Six mois après les faits, l’hôpital de Vienne, en Isère, s’est aperçu qu’il a pris un patient pour un autre. L’établissement tente de rattraper son erreur et lance un appel à la population pour retrouver l’homme qui aurait dû recevoir des soins en urgence – et qu’un autre a reçus à sa place.
Le 27 novembre 2012, un homme est hospitalisé au centre hospitalier Lucien-Hussel pour y recevoir des soins médicaux programmés. Le nom de ce patient et de sa pathologie sont tus en raison du secret médical – nous l’appellerons Monsieur X. Avant de procéder aux soins, un médecin commande un scanner. Direction le service d’imagerie. C’est ensuite que survient l’erreur : les résultats du scanner d’un autre patient – Monsieur Y – sont attribués à Monsieur X. Des résultats pas bons du tout, qui révèlent deux pathologies nécessitant une intervention en urgence.
Un malade dans la nature
L’hôpital de Vienne, qui ne pratique pas ce type d’intervention, oriente aussitôt Monsieur X vers une clinique lyonnaise, qui réalise l’intervention. Venu pour des soins médicaux, Monsieur X a reçu des soins... chirurgicaux. Monsieur Y, lui, a quitté l’hôpital le 27 novembre sans savoir qu’il avait besoin d’une chirurgie urgente. Depuis, nul ne sait ce qu’il est devenu.
Le pot aux roses n’a été découvert que le 4 avril, lorsque Monsieur X a réalisé un scanner de contrôle au sein d’un 3e établissement de santé. Le radiologue s’est aperçu que les deux clichés ne correspondaient pas au même homme. Appel en urgence à l’hôpital de Vienne, qui a reconnu avoir commis une erreur. L’ARS a diligenté une enquête pour comprendre ce qui a pu se passer.
L’hôpital reconnaît une faute
Contacté par « le Quotidien », le directeur de l’hôpital, Gérard Servais, livre le commentaire suivant : « Il y a eu une faute. Par chance, l’intervention sur le mauvais patient n’a entraîné ni séquelle, ni ablation, ni risque. Ce n’est pas une action irréversible. Nous avons vu ce patient hier pour nous expliquer, il a compris la situation et n’a pas l’intention de poursuivre l’hôpital. Il faut maintenant retrouver l’autre patient. » Le retrouver pour l’opérer, et avant toute chose, savoir de qui il s’agit. Car l’hôpital, six mois après les faits, ne sait pas à qui attribuer le fameux scanner au mauvais pronostic. D’après le cliché, il s’agit d’un homme de 50 ans ou plus. Les recherches du centre hospitalier, lancées en toute hâte, n’ont pas encore abouti. Une cellule se charge de contacter les 145 hommes hospitalisés le 27 novembre dernier à l’hôpital de Vienne. Mis à contribution, le Conseil de l’Ordre va diffuser une alerte aux médecins de l’Isère.
Plusieurs garde-fous
Comment expliquer la substitution d’identité ? À ce stade, le mystère reste entier. « Nous avons fait tout le nécessaire pour éviter les erreurs d’identité, expose le chef d’établissement, Gérard Servais. Création d’une cellule d’identitovigilance en 2004, formation du personnel, actions de sensibilisation, incitation à la déclaration des événements indésirables... L’identité du patient est vérifiée à chaque étape. Le patient doit décliner son nom et sa date de naissance avant tout acte (brancardage, imagerie...). Il est probable qu’un professionnel n’ait pas fait cette vérification. » Monsieur X était porteur d’un bracelet qui, autre possible erreur, n’a sans doute pas été vérifié.
Identitovigilance : pas de réserve de la HAS
Du côté de la Haute Autorité de santé (HAS), on ne se risque à aucun commentaire. « Il faut passer en revue tout le circuit de ces deux patients pour comprendre ce qui s’est passé », déclare Thomas Le Ludec, directeur de l’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins à la HAS.
La HAS a certifié l’hôpital de Vienne en 2007 sans aucune réserve s’agissant de l’identitovigilance. « Le plan d’action de l’hôpital est continu sur ce sujet, note Thomas Le Ludec. Pour comprendre, nous attendons de savoir s’il y a eu un afflux important de patients aux urgences ce jour-là, s’il y a eu un facteur individuel, ou un facteur organisationnel. Il faut aussi regarder les moyens informatiques de l’hôpital. »
Les conseils de la HAS pour tous les hôpitaux
Au 1er avril 2013, 23 établissements de santé faisaient l’objet de réserves majeures à propos du critère « Identification du patient » ; 114 avaient des réserves et 340 des recommandations. La HAS conseille plusieurs actions : mise en place d’un identifiant numérique unique pour chaque patient, contrôles réguliers de la base de données informatique, formation continue de tout le personnel (depuis le bureau des admissions jusqu’au secrétariat médical en passant par les services de soins). Et en guise de piqûre de rappel, une évaluation des pratiques professionnelles régulière. L’hôpital de Vienne avait lancé dès 2010 une EPP et des indicateurs de suivi sur la thématique « Identité du patient ». À l’évidence, quelque chose a cloché.
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