Environ 250 urgentistes libéraux sur un total de 400 sont en grève, selon le Syndicat national des urgentistes de l’hospitalisation privée. Combiné à la grève de SOS Médecins et aux épidémies hivernales, le mouvement génère un afflux massif dans les services d’urgences de nombreux hôpitaux publics.
En Ile-de-France, la saturation est observée en divers endroits. Versailles est l’un des points noirs, avec une régulation du SAMU débordée, et des urgences prises d’assaut. Les urgences de l’hôpital accueillent ainsi 106 patients ce mercredi matin, pour une capacité d’accueil de 51 places.
À 10 km de là, à Trappes, les urgentistes de l’hôpital privé Ouest Parisien sont grévistes. L’ARS d’Ile-de-France a écrit au directeur de la clinique pour lui demander d’accueillir « dans les plus brefs délais » les patients habituellement pris en charge. Et ce afin d’« assurer la non-perte de chance pour les patients ». De son côté, la directrice du centre hospitalier de Versailles a demandé à ses équipes de « libérer le maximum de lits ». Dans un courrier interne daté du 5 janvier, Véronique Desjardins n’excluait pas la mise en place du plan hôpital en tension « si le mouvement devait perdurer ».
317 % de taux d’occupation à Poissy ce mercredi matin
D’autres points noirs sont recensés en Ile-de-France. En grande couronne, ce mercredi à 11 heures, le taux* d’occupation du service d’urgences est de 192 % au CH de Meaux, 197 % au CH de Pontoise, 317 % à Poissy (box saturés et 25 patients en attente), 200 % à Étampes (box et lits portes totalement saturés), 317 % à Arpajon (54 patients présents pour 17 places)... En petite couronne et à Paris, les capacités d’accueil aux urgences sont également dépassées dans plusieurs hôpitaux de l’AP-HP : Henri Mondor (170 %), Ambroise-Paré (131 %), Avicenne (133 %), Trousseau (140 %), Bichat (159 %), Tenon (189 %), Lariboisière (160 %)...
À Brest, les urgentistes libéraux tancés par l’ARS et le SAMU
De vives tensions sont également signalées dans certaines villes de province. À Brest, les urgences de la clinique Keraudren (32 000 passages par an) tournent au ralenti depuis lundi. Les urgentistes réquisitionnés ont voulu se concentrer sur les urgences vitales et refuser la bobologie. Une posture qui a tourné au bras de fer avec le centre 15 et le CHU, débordés. Les téléphones ont chauffé lundi et mardi, l’ARS s’en est mêlée, et les urgentistes libéraux se sont résolus à ne pas suivre à la lettre la consigne syndicale.
« On a été obligé de recevoir des angines, des cas relevant de la médecine générale, expose le Dr Lys Thomas, urgentiste. Cela a été dur de gérer tous les coups de fil de l’hôpital. Moi, par exemple, je n’ai pas été réquisitionnée, mais j’ai passé lundi et mardi à la clinique, pour aider les collègues. Les chirurgiens sont en grève et le bloc est fermé, ce qui complique la situation : comment opérer une appendicite sans chirurgien viscéral ? On espérait attirer l’attention des habitants sur nos revendications mais on n’a pas eu une ligne dans la presse locale. Cette grève, c’est surtout nous qu’elle a dérangés. »
Le CHU grenoblois en mode « hôpital en tension »
Certaines villes, comme Angers et Montpellier, connaissent une situation à peu près ordinaire : l’arrêt de l’appel à la cessation d’activité par la FHP a semé le trouble, et le préavis de grève des urgentistes libéraux n’est pas parti à temps.
Mais à Grenoble, le CHU croule sous un afflux inhabituel de patients. Sa directrice générale a demandé aux équipes de restreindre l’activité programmée « au strict nécessaire » pendant deux semaines. Le DG du CHU de Bordeaux a écrit à l’ensemble des services pour qu’ils fluidifient l’aval au maximum. « Il nous appartient de démontrer notre solidarité en de telles circonstances, et la capacité du service public hospitalier à répondre aux besoins de la santé de la population », souligne Philippe Vigouroux.
Une remarque qui laisse à penser que l’hospitalisation publique saura rappeler cet épisode de forte tension, durant lequel elle répond présente, pour défendre ses intérêts lors du débat parlementaire à venir sur la loi de santé et la redéfinition du service public hospitalier. Les urgentistes libéraux, eux, poursuivent leur mouvement de grève au moins jusqu’à vendredi, jour d’une rencontre entre les syndicats libéraux et Marisol Touraine.
* Données collectées par le réseau Cyber Urgences, un portail d’informations sur l’activité des urgences franciliennes hébergé par l’AP-HP.
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