Martin Hirsch aime les mots et la curiosité qu'ils attisent. Le directeur général du premier CHU de France a ressorti ses livres de grec ancien pour baptiser son nouveau projet pour le premier CHU de France du nom d'Oikeiosis. S'y cache un plan de transformation en profondeur des 39 établissements, fondé sur la suppression des 110 pôles et une structuration des filières de soins.
L'AP-HP intensifie sa communication. Cette Nouvelle AP-HP – son sobriquet pour le grand public – fait l'objet d'un sixième séminaire interne ce lundi. En congrès, devant le Parlement ou la presse, Martin Hirsch prêche la bonne parole pour défendre un projet attendu (et parfois redouté) pour décembre 2019. Et la commission médicale d'établissement (CME) doit rendre un avis sur son financement ce mardi.
La fin du temps des cathédrales
À l'heure où les CHU fêtent leurs 60 ans, l'idée est de déconstruire la cathédrale francilienne et ses 12 groupes hospitaliers pour la reconstruire par « fusion complète » (instances incluses) autour d'ensembles hospitaliers de taille intermédiaire – dont le nombre reste à définir – calqués sur la carte universitaire francilienne. L’AP-HP entend également consolider sa place de leader en matière de recherche et son attractivité auprès des jeunes médecins.
Cette AP-HP « fédérale », comme aime à l'appeler Martin Hirsch, doit se doter de projets médicaux plus cohérents et de départements médico-universitaires (DMU) en lieu et place des pôles actuels, dans une logique de filières spécialisées et graduées, ouvertes sur les groupements hospitaliers de territoire (GHT) d’Île-de-France.
L'AP-HP.5, au centre et à l'ouest de Paris (Cochin, Broca, La Collégiale, La Rochefoucauld et Hôtel-Dieu avec l'Hôpital européen Georges-Pompidou, Corentin-Celton, Vaugirard-Gabriel-Pallez et Necker-Enfants malades) et l'AP-HP.6 à l'est (groupe hospitalier Pitié-Salpétrière – Charles Foix avec Saint-Antoine, Tenon, Armand-Trousseau, Rothschild, La Roche-Guyon) font office de poissons pilotes. Les organigrammes et les directions sont finalisés.
« On va constituer 80 à 100 DMU, explique François Crémieux, ex-patron du groupe hospitalier Paris-Nord Val-de-Seine propulsé DG adjoint du CHU. Le fait de se regrouper et de concentrer les expertises permettra de pallier les lacunes antérieures et les circuits de soins brisés. L'idée est par exemple de faire travailler Pompidou et Cochin ensemble dans la prise en charge d'un patient opéré du col du fémur, et non de le transférer en clinique en post-op. »
Ces DMU constituent le nouvel échelon décentralisé de la gouvernance particulièrement compliquée de l'AP-HP (700 services, 100 000 employés, dont 12 300 médecins ) dont le rôle et le fonctionnement restent à définir. Le CHU veut aussi éviter les erreurs du passé. Le cumul des mandats (chef de service/chef de pôle) est sur la table.
Autre enjeu : la rénovation des blocs opératoires (blocs spécialisés, salles hybrides) et la mise en place de passerelles entre hôpitaux pour pallier la pénurie d'infirmières spécialisées (IADE), de panseuses voire d'anesthésistes.
Efforts considérables
2,5 milliards d'euros sont prévus dans les cinq prochaines années pour moderniser le CHU (investissement dans la robotique, installations techniques, opérations immobilières Campus Grand Paris Nord, Nouveau Lariboisière, Nouveau Garches à Ambroise Paré, etc.).
Mais cette transformation réclame dans le même temps des efforts considérables au CHU et à ses personnels, qui supportent le poids d'un déficit de 200 millions d'euros en 2017 (2,5 % du budget), et à nouveau en 2018. En « gage de bonne foi », Martin Hirsch va mettre en vente les deux bâtiments historiques du siège en 2021 pour reconstruire des bureaux réduits à Saint-Antoine. La fermeture du site de l'hôpital Ferdinand-Widal (Paris 10e) est actée. Joffre-Dupuytren (Draveil) a fermé cet été.
Pour stabiliser la masse salariale, le directeur a confirmé devant le Sénat que la stratégie actuelle sur les effectifs serait reconduite pendant les quatre années à venir. Environ 700 postes non médicaux par an sont concernés. « La question budgétaire nous occupe matin, midi et soir, a confessé Martin Hirsch. […] On va baisser le déficit de 25 % en 2019 et continuer pour atteindre l'équilibre. C'est une situation extrêmement exigeante qui se traduit par une stabilité de la masse salariale pendant cinq ans. […] Avec une évolution spontanée d'1 %, ça fait un impact d'1 % [par an, NDLR] sur les 70 000 effectifs non médicaux. On est bien dans une période de serrage de vis compliqué. » Le déménagement du siège se traduit par une coupe de 300 postes sur 800.
Martin Hirsch veut croire que sa politique de concertation permettra cette transformation progressive. La CGT a dénoncé la semaine dernière une opération de « démantèlement » de l'AP-HP par une « prolongation de l'asphyxie budgétaire de ces dernières années ». Et il y a une semaine, 105 médecins invitaient le patron de l'AP-HP à quitter le navire « comme Nicolas Hulot » pour ne pas cautionner la politique d'austérité du gouvernement.
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