À chacun son carton de couleur : rouge pour les praticiens hospitaliers, bleu pour les soignants, vert pour les agents administratifs et beige pour les citoyens usagers. De cette manière, « on pourra facilement faire le décompte de tous les participants en fonction de leur statut », explique devant une salle comble l'un des coordinateurs de ce troisième débat citoyen organisé à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP).
Après les hôpitaux Paul Brousse de Villejuif (Val-de-Marne) et Beaujon de Clichy (Hauts-de-Seine), la Pitié-Salpêtrière (Paris) a organisé ce mardi une séance de trois heures de discussions animées pour « améliorer le service public hospitalier ». Un thème visiblement inspirant pour les personnels de ce fleuron de l'AP-HP, qui étaient plus de 200. « Le grand débat national pose la question du service public mais pas celle du service public hospitalier, c'est la raison pour laquelle nous avons voulu venir aux devants de vous », justifie Marie Citrini, représentante des usagers au conseil de surveillance de l'AP-HP et co-garante des débats avec le Pr Béatrice Crickx, dermatologue retraitée de Bichat (Paris).
« Il est important que chacun se sente libre de prendre la parole », introduit le Dr Sophie Crozier, neurologue à l'initiative de l'événement avec ses collègues de la commission médicale d'établissement (CME). « On est là pour partager ce que nous voulons pour notre hôpital public et faire des propositions pour améliorer nos missions de soin. »
L'organisation est réglée comme du papier à musique. L'animation est assurée par une professionnelle adepte de la méthode dite du forum ouvert, qui consiste à travailler par petits groupes sur des sujets soulevés préalablement en séance plénière. Suivent 45 minutes pour débattre et rédiger un compte rendu accompagné d'une ou plusieurs propositions de solutions aux problèmes évoqués. À la fin, toutes les idées sont mises en commun et un vote est organisé pour désigner les plus populaires.
Malgré l'apparente rigidité du protocole, les orateurs s'en sont donné à cœur joie. Du financement des établissements au vieillissement de la population en passant par la qualité de vie au travail, les vingt sujets retenus ce jour-là brossaient assez largement les racines du malaise qui touche l'hôpital public aujourd'hui, sans esquiver les sujets tabous. « Moi, je suis venu pour parler revalorisation salariale », n'hésite pas à clamer un manipulateur en électroradiologie médicale.
Au final, trois sujets de préoccupation seront inscrits sur la plateforme du grand débat national : la cogouvernance médicale et administrative des établissements, reçue sous un tonnerre d'applaudissements ; la fin des suppressions de postes, qui traduit le ras-le-bol du sous-effectif chronique ; et enfin, la reconnaissance des pratiques et la revalorisation des salaires à l'hôpital public.
« Ça ne doit pas s'arrêter là »
Mais pour beaucoup, le résultat importe peu. « Je ne me fais pas d'illusion sur la portée qu'auront nos recommandations, avoue William, infirmier depuis cinq ans à l'AP-HP, mais c'est toujours un plaisir de partager avec des collègues. » Enthousiasme partagé par un jeune médecin : « c'est un moment exceptionnel car pour une fois, les soignants et les hospitaliers peuvent discuter à voix haute, ce que l'on ne fait finalement jamais ! »
Pour cet autre médecin, arrivé dans la maison il y a 37 ans, c'est la nostalgie qui domine. « J'ai retrouvé aujourd'hui le côté familial de l'AP-HP qui s'était perdu », lâche-t-elle, émue. Pour d'autres, c'est l'amertume. « Ce n'est pas un débat auquel nous venons d'assister mais plutôt la confirmation des diagnostics du quotidien », dénonce un jeune médecin. « Ça ne doit pas s'arrêter là ! », harangue un autre sous les applaudissements d'une assemblée visiblement pas dupe de l'exercice.
Santé des soignants : deux prix pour valoriser l’engagement des blouses blanches pour leurs pairs
Accès aux soins psy : l’alerte de la FHF
Directeur d’hôpital, un « métier exigeant et d’engagement » dont il faut « prendre soin », plaide l’ADH
Padhue : Yannick Neuder promet de transformer les EVC en deux temps