C'est un décret qui les pousse à sortir de l'ombre. Des médecins intérimaires à l'hôpital ont décidé de se constituer en collectif pour protester contre l'application effective d'un décret d'application de la loi de santé qui plafonne leur rémunération depuis 2018.
Cinq ans après le rapport choc du Dr Olivier Véran sur les dérives de l'intérim médical à l'hôpital, l'encadrement de cette pratique devient une réalité. Pour contractualiser avec un praticien que le député de l'Isère qualifie de « mercenaire » dans une spécialité en tension dans son établissement (anesthésie, urgences, réanimation, obstétrique), un directeur d'hôpital peut payer au maximum 1 404,05 euros brut pour 24 heures de travail en 2018 – ce sera 1 287,05 euros en 2019 puis 1 170,04 euros à partir de 2020.
Pas toujours rose
En 2013, le rapport Véran estimait à 6 000 le nombre de médecins intérimaires dans les hôpitaux publics, pour un coût de 500 millions d’euros. Et aujourd'hui ? Le montant global de l'intérim médical est inconnu mais on évoquait en 2017 des urgentistes et des anesthésistes à 850 euros et 1 100 euros la journée dans l'Yonne, des gardes hospitalières de 24 heures de 1800 à 2000 euros dans l'Indre, etc.
Le collectif « Médecins remplaçants en hôpitaux publics » (MRHP), qui tiendra sa première assemblée générale samedi prochain afin de réfléchir à la création d'un syndicat, conteste l'existence de montants aussi exorbitants mais organise la riposte face à l'encadrement des rémunérations.
Âgée de 54 ans, la porte-parole du collectif (qui revendique le soutien de 1 300 médecins intérimaires) est anesthésiste. Après 20 ans dans les hôpitaux et les cliniques, elle est médecin intérimaire depuis deux ans et gagne 7 200 euros net en travaillant onze jours par mois. Une journée au bloc dans un hôpital de taille moyenne lui rapporte 650 euros net. 2 000 euros pour le même travail, elle n'y croit pas. En revanche, l'encadrement strict des tarifs de l'intérim médical va se traduire pour elle par une baisse de 50 % de ses revenus en 2020. « Je travaille à une heure de Paris, raconte l'anesthésiste. Je loge dans un hôtel que je paye, j'essaye de m'intégrer à l'équipe médicale en place mais ce n'est pas si simple. L'intérim, ce n'est pas toujours rose. Donc à moins de 650 euros par jour, c'est non ! »
Des hôpitaux blacklistés par les intérimaires
En guise de protestation, le collectif a décidé de diffuser une liste d'hôpitaux « à boycotter » (en mars et en mai), autrement dit… ceux qui appliquent déjà la loi et encadrent les rémunérations. Caen, Dole, Châteauroux, Guingamp, Pau, La Rochelle, Quimper, Valence : une quarantaine d'établissements « mauvais payeurs » ont été identifiés et donc « blacklistés » par les intérimaires. « On veut l'abrogation du décret, proteste la porte-parole du collectif. Au lieu de taper sur les intérimaires, le gouvernement aurait mieux fait de revaloriser la paye des praticiens hospitaliers ! À croire que cette décision a surtout pour but de fermer plus vite les petits hôpitaux, dans l'incapacité de fonctionner sans nous. »
Cette opération du collectif de médecins remplaçants agace au plus haut point le SNPHARe. Si le syndicat de PH n'est pas fan des praticiens mercenaires, il ne peut que constater l'impact de leurs absences dans certains établissements. « Les hôpitaux qui appliquent le décret ne trouvent plus de médecins intérimaires. Pour les PH en poste, ça devient intenable ! », explique le Dr Anne Geffroy-Wernet, anesthésiste à Perpignan et vice-présidente du syndicat. Pour empêcher ce « cercle vicieux de moins en moins attractif », le syndicat réclame le respect du droit sur tout le territoire « avec des contrôles et des sanctions ». Et une revalorisation du statut des PH, élément premier d'attractivité…
Contacté par le « Quotidien », le Dr Olivier Véran, irrité par l'initiative du collectif, estime qu'il s'agit là d'une illustration de la « solidarité zéro ».
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