Sous-effectif chronique, manque de lits d’aval, horaires jugés inadaptés, congés maternité ou maladie non remplacés… Autant de raisons pour lesquelles une partie des paramédicaux des urgences de l’hôpital Saint-Louis (AP-HP) font grève depuis fin juillet, à l’appel du syndicat FO. Un mois plus tard, il n’y a toujours pas d’« avancée réelle », regrettent les grévistes, dont certains ont menacé de démissionner.
Infirmiers et aides-soignants sont « épuisés physiquement et psychologiquement », déplore Emma Beynel, infirmière aux urgences. Dans l’équipe de jour, ceux-ci travaillent 7h36 par jour, avec des horaires décalés et changeants. Les « grandes semaines », cela signifie qu’ils travaillent « tous les jours sauf le vendredi, week-end inclus ». Les grévistes demandent de passer à un temps horaire de 9 à 10 heures par jour, pour bénéficier de davantage de jours de repos.
Risque accru pour les patients
Le manque de lits d’aval et de soignants, les patients qui attendent des dizaines d’heures sur des brancards, ajoutent à l'épuisement du personnel. Cela représente « un énorme risque » pour ces patients qui « ne seront pas aussi bien surveillés que dans un lit d’hospitalisation », précise le collectif inter-urgences (CIU) de l'hôpital Saint-Louis.
La situation est d’autant plus problématique que l’hôpital est spécialisé dans le traitement des pathologies cancéreuses. « Beaucoup de patients suivis sur Saint-Louis viennent aux urgences. Mais on n’a pas assez de places pour les hospitaliser, donc on leur dit parfois de rentrer chez eux », déplore Emma Beynel. « C’est extrêmement dur psychologiquement de devoir leur faire vivre ça. On ne se sent pas à notre place, car on est là pour les soigner. »
Corinne Jac, aide-soignante à Saint-Louis, se dit « bouleversée » quand elle voit « des personnes âgées ou des gens qui ont des lymphomes rester plus de 15 heures sur des brancards ». « À Saint-Louis, il y a beaucoup d’hémato, de lymphomes, il faut du temps pour les prendre en charge correctement. Mais le manque de moyens humains nous pousse à être maltraitants. »
22 heures pour avoir un lit
Le Dr Sylvain Hirsch, médecin urgentiste à Saint Louis, partage ce sentiment d'impuissance. « Un cancer complet ou une leucémie gravissime entraînent la prise d’antibiotiques spécifiques, mais aussi une transfusion et une surveillance infirmière particulièrement longue et dense. » Cette prise en charge lourde, couplée au manque de lits et de personnel, engendre « une surcharge d’activité pour les paramédicaux », poursuit le médecin parisien qui soutient le mouvement des paramédicaux. Et de citer l’exemple d’un patient leucémique qui avait besoin d’une transfusion. « Il a attendu dans nos locaux durant 22 heures pour avoir un lit ». Pendant ce temps, les paramédicaux ont « continué à le surveiller, à refaire des traitements toutes les six heures. Ce temps d’attente se répercute sur leur quantité de travail ».
Pour les médecins, la quête permanente de lits est usante « alors que ce n’est pas notre travail », souligne le Dr Hirsch. Autre problème : le turnover important des paramédicaux, qui oblige à travailler avec un nombre croissant d’infirmiers peu expérimentés. « Cela ajoute un travail de sur-contrôle qui peut nous faire entrer dans des mécanismes de burn-out », analyse le médecin qui craint des pertes de chance si des solutions ne sont pas rapidement trouvées.
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