Soulagement pour le psychiatre Mathieu Bellahsen, qui vient de remporter une manche devant la justice administrative. « C’est une énorme victoire pour les patients qui ont été enfermés et pour l’enquête à charge, confie-t-il ce mardi au Quotidien. Cela remet le monde à l’endroit par rapport à mon statut de lanceur d’alerte dans la psychiatrie. »
Ce psychiatre hospitalier qui a exercé de juillet 2013 à septembre 2021 à l’établissement public de santé (EPS) Roger-Prévot de Moisselles (Val-d’Oise), et en tant que chef du pôle du service de psychiatrie du secteur d’Asnières à partir de janvier 2018, s’était vu retirer sa chefferie en juillet 2021, aux motifs de « dysfonctionnements internes », selon la direction. Mais l’année précédente, le psychiatre avait alerté sur l’enfermement à double tour des patients dans leurs chambres pendant le premier confinement, dénonçant vivement ces pratiques.
Sanction disciplinaire déguisée ?
Sanctionné, le psychiatre avait formé un premier recours gracieux en juillet 2021, avant de saisir le tribunal administratif d'une requête en annulation à l'automne. Le jugement vient donc de tomber : il devra être réintégré dans un délai de deux mois dans ses fonctions de chef de pôle, selon une décision du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, le 13 février, qui qualifie son retrait de chefferie de « sanction disciplinaire déguisée ».
La direction de l’hôpital a indiqué faire appel et se refuse à commenter cette affaire, « la procédure n’étant pas achevée à ce stade ». Mais selon le Dr Bellahsen, qui s’était mis en arrêt de travail dès juillet 2021 et exerce depuis en tant que salarié dans un bureau d’aide psychologique universitaire (Bapu), le retrait de sa chefferie sonnait comme une mesure de représailles à son alerte.
C’est en mai 2020, durant le premier confinement, que ce médecin avait alerté Adeline Hazan, la contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL). Le 18 mai, elle avait visité l’établissement et émis des recommandations en urgence, publiées au Journal officiel en juin 2020. La CGLPL avait constaté des « violations graves des droits de personnes privées de liberté (…) » à l'EPS et une « confusion entre le régime de l'isolement psychiatrique » et « le confinement sanitaire ».
Ce conflit est intervenu dans le contexte d’une enquête administrative diligentée par l’établissement sur le psychiatre, à la suite d’une lettre anonyme de membres du personnel infirmier intitulée « Alerte sur la situation inquiétante dans le secteur d’Asnières ». Cette enquête reprochait au médecin « sa gestion clivante, qui fragilise l’activité et le fonctionnement du pôle, avec des tensions relationnelles au sein de l’équipe médicale et paramédicale, auxquelles il n’a pas cherché à remédier, mais qu’il a au contraire encouragées ». Pour preuve, selon l’administration, les taux d’absentéisme et de mobilité des personnels du pôle d’Asnières étaient plus élevés que ceux des autres services. La direction de l’établissement accusait aussi le psychiatre de « remises en cause publiques et répétées de l’institution et les décisions de la direction ».
En juin 2024, la Défenseure des droits avait reconnu au psychiatre le statut de lanceur d’alerte.
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