« L’hôpital public se désintègre avec partout des fermetures de lits, de services, en particulier d’urgence et de SMUR, mais aussi en psychiatrie, en chirurgie, en médecine, en soins de suite… », avertissent quelque 80 organisations signataires* d'un appel lancé initialement par les comités de défense des hôpitaux Nord-Mayenne et de Bichat-Beaujon. Le samedi 4 décembre, une multitude de groupes, syndicats et collectifs participeront à une journée d'action nationale pour la défense de l'hôpital public, mais qui agrège en réalité les nombreux maux du secteur (attractivité, effectifs, rémunérations, etc.).
Opération ministère
À Paris, une « grande manifestation » partira vers 13 h de la place Vauban, pour se diriger vers le ministère de la Santé, en passant par l'hôpital Necker. De nombreux comités locaux de défense de l'hôpital ont annoncé leur participation (Créteil, Dole, Ivry, Mayenne, Montargis, Remiremont, Nord-Essonne, Tours…), tandis que des déplacements en bus ou covoiturage seront organisés au départ de Tours, Remiremont, Dole, mais aussi de Mayenne. Des actions sont prévues dans de nombreuses régions (Bretagne, Auvergne-Rhône-Alpes, Centre-Val de Loire, Grand Est, Normandie, Nouvelle Aquitaine, Pays de la Loire …).
Les organisateurs appellent également les usagers de santé à participer à cette journée nationale d’action. « Il faut que la population se mobilise en nombre et exige un vrai débat démocratique sur l’hôpital public dans la campagne électorale qui s‘annonce, ambitionne le Dr Olivier Milleron, cardiologue hospitalier et membre actif du collectif inter-hôpitaux (CIH). On est au pied du mur, donc soit l’hôpital public s’écroule, soit on exige des propositions des politiques pour l’hôpital durant la campagne. »
Choc d'attractivité
Face au « laisser-faire actuel » qui risque de conduire à une « catastrophe sanitaire », les signataires réclament un plan d’urgence pour l’hôpital public. Ils demandent en particulier un « choc d’attractivité » pour les personnels – revalorisations salariales, amélioration des conditions de travail, réforme de la gouvernance, etc. Autres revendications : un « vaste plan de formation, de recrutement et la titularisation des contractuels » mais aussi « la réouverture de tous les lits et services fermés » ainsi que l'organisation d’une démocratie sanitaire unissant personnels et usagers/citoyens.
Du côté des praticiens hospitaliers, plusieurs syndicats se sont associés d'emblée à cette journée d'action. L’intersyndicale Action praticiens hôpital (APH) souligne « la descente aux enfers » subie par les personnels ces derniers mois à cause de la pénurie de lits et de soignants. Elle s'alarme des sombres perspectives avec le déclenchement de plans blancs (lire ici et là), synonymes de « nouvelles réquisitions, assignations et reports ou annulation de congés ». APH juge qu’il n’est plus possible d'exercer dans un « hôpital-usine » dirigé par « un productivisme tourné seulement vers l’activité (...) et une communication infantilisante et faussement rassurante ! » Le syndicat souhaite aussi que les médecins puissent peser dans la gouvernance hospitalière.
Préavis de grève
Pas en reste, le CIH fustige les dérives de « l’hôpital-entreprise » en ciblant à nouveau la tarification à l'activité. Selon le Dr Milleron, cela n’a aucun sens de faire entrer certains actes dans la T2A, « car cela coûte une fortune en temps et en personnel pour les coder ». « L’hôpital public est toujours financé à l’activité majoritairement, avec un mode de financement qui pousse à faire de l’activité qui rapporte, sans véritablement tenir compte des besoins en soins de la population », résume le praticien. Côté ressources humaines, le CIH défend le recrutement de 100 000 infirmiers en trois ans.
De son côté, Jeunes Médecins (JM) a déposé vendredi dernier un préavis de grève pour la journée du 4 décembre. Le syndicat du Dr Emanuel Loeb précise que la cessation du travail concerne « les soins effectués de jour ou de nuit dans tous les établissements publics de santé et médico-sociaux ». Il exige pêle-mêle une rémunération plancher des médecins à l’hôpital public « permettant aux internes de démarrer leur cursus à 2 000 euros par mois au lieu de 1 500 euros brut mensuels », un début de carrière de tous les PH à « 5 000 euros mensuels brut » à temps plein et une refonte de la carte hospitalière
Internes et libéraux aussi !
La mobilisation continue de faire tache d'huile cette semaine. Ce mardi, dans un texte commun, les internes de l'Isni, les médecins libéraux de l'UFML, le collectif santé en danger du Dr Arnaud Chiche, le Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes réanimateurs élargi aux autres spécialités (SNPHAR-e) et les syndicats précités APH et Jeunes Médecins accusent le ministère de « souffler sur les braises du mal-être du monde de la santé déjà bien impacté par 20 ans de restrictions et deux années de crise Covid », en promettant des mesures coercitives (réquisitions) pour la période de fin d'année.
« Le délitement actuel de l’hôpital couplé aux difficultés en termes de recrutement pour la médecine de ville, problème touchant également le monde hospitalier, devraient nous inciter à collaborer ensemble de façon concertée et non à nous contraindre, à nous obliger », peut-on lire. Et d'appeler en chœur à la manif du 4 décembre avec « l’ensemble des acteurs de la santé – professionnels paramédicaux, praticiens hospitaliers, médecins de ville ainsi que les patients.es. »
* Syndicats : Amuf, CGT Santé et Action sociale, FSU, Sud PTT, Sud Santé Sociaux, USP (Union syndicale de la psychiatrie), Union syndicale solidaire. Collectifs : CIH, CIU, Collectif national pour les droits des femmes (Cndf), Coordination nationale des associations pour le droit à l’avortement et à la contraception (Cadac), DAL (Droit au logement), Le printemps de la psychiatrie, Le printemps du care.
Associations : Attac, CNNR, Confédération internationale solidaire et écologiste, Convention pour une république écologique, Convergence des collectifs de défense et de développement des services publics, Coordination nationale des comités de défense des Hôpitaux et maternités de proximité, Ensemble & Solidaires - Unrpa, Fédération générale des retraités de la fonction publique, Femmes Égalité, LDH, People’s Health Movement, Réseau Éducation populaire, Résistance sociale, RPS Fiers, Ufal...
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