La sénatrice (UMP) Catherine Procaccia a-t-elle ouvert la boîte de Pandore en interpellant le ministre de la Défense sur l’avenir de l’hôpital d’instruction des armées (HIA) de Bégin ?
Le 21 juin dernier, l’élue du Val-de-Marne a relayé dans le palais du Luxembourg les inquiétudes des professionnels de l’hôpital militaire. « Bégin serait menacé, cette fois pour des raisons budgétaires. Les personnels ainsi que les professionnels de santé aimeraient connaître l’avenir à moyen terme – à l’horizon de 2018 ou 2020, de l’hôpital », a demandé Catherine Procaccia au ministre délégué de la Défense, Kader Arif. « J’ai été contactée par des médecins et pharmaciens de Bégin, mais aussi hors Bégin. J’ai trouvé ces rumeurs surprenantes au début. Mais les bruits ont continué à m’arriver et la direction me les a confirmés », explique la sénatrice au « Quotidien ».
Une fermeture de Bégin apparaîtrait bien soudaine, eu égard à la vaste rénovation en cours depuis 2006. L’aile sud – 25 000 m2 répartis sur 6 niveaux – a été inaugurée par l’ancien ministre de la Défense Gérard Longuet en décembre dernier, après 3 ans de travaux. L’aile nord devrait être démolie à l’automne, tandis que les travaux se poursuivent sur l’aile ouest. « L’HIA Bégin est l’un des 3 hôpitaux du Val-de-Marne agréés pour poursuivre la prise en charge chirurgicale en nuit profonde » a souligné Catherine Procaccia au Sénat, mettant en avant le service de proximité que l’hôpital offre aux 80 % de civils qui s’y rendent. En outre, Bégin est le seul hôpital militaire à disposer d’un pôle mère-enfant avec un service de maternité et de gynécologie.
Mais le service de santé des armées (SSA) est dans la tourmente. La Cour des comptes révélait dans son rapport cinglant d’octobre 2010 le déficit record des 9 hôpitaux militaires, qui s’élevait à 280 millions d’euros par an. Radicale, elle préconisait la fin de l’autonomie complète des hôpitaux militaires, aujourd’hui sous la tutelle du ministère de la Défense, et la mutualisation des infrastructures avec les établissements de santé publics. « Je suis inquiète : même si ce ne sont que des rumeurs, cela fait beaucoup de mal aux personnels. J’ai su que des médecins civils ou militaires cherchaient à obtenir une mutation ,» confie la sénatrice de l’opposition.
Rien avant le livre blanc
Le personnel de Bégin devra prendre son mal en patience. L’avenir de l’HIA ne sera lisible... qu’en décembre au plus tôt, a répondu le ministre chargé des Anciens Combattants à Catherine Procaccia. Même réponse du côté du ministère de la Défense comme du service de santé des armées : le mot d’ordre est d’attendre les conclusions du nouveau livre blanc, lancé par François Hollande la veille de ce 14 juillet, pour émettre la moindre déclaration.
« C’est une non-réponse, je suis furieuse. Le livre blanc peut être clos dans 9 mois ! C’est trop long », fulmine la sénatrice, prête à mobiliser les élus, comme pour la défense du service de chirurgie cardiaque d’Henri-Mondor. Et de reconnaître néanmoins que les bruits de couloirs du Sénat se veulent rassurants : « Un conseiller politique m’a dit, après l’intervention de M. Kader Arif, qu’il ne fallait pas s’inquiéter pour Bégin. »
Ouverture d’un chantier sur les hôpitaux militaires
À l’HIA, on ne nie pas les rumeurs. « On entend les mots restructuration, fermeture, mais il n’y a pas d’élément fiable. Le climat ? Comme dans toutes entreprises où il y a des suspicions… », confie sous couvert d’anonymat un représentant syndical. « Tant qu’aucun arrêté ne paraît, on ne saura rien » tranche-t-il.
« Il y a de l’inquiétude depuis 2002 (l’HIA était menacé de fermeture après l’avis défavorable de la commission civile de sécurité, en raison de problèmes de normes incendie et de modernisation des services). L’hôpital a été rénové, mais il y a des restructurations, des gens en sous-effectifs, et une externalisation rampante depuis 4 ou 5 ans : poste par poste le personnel technique n’est pas remplacé et on fait appel à des sociétés extérieures, comme pour la restauration », dénonce Jacques Prauca, responsable CGT à Bégin. Il nuance néanmoins son propos : « Il y a eu des embauches dans les personnels soignants, nous avons gagné 50 lits et l’activité du laboratoire est très satisfaisante. »
Difficile d’en savoir davantage sur une éventuelle fermeture. Selon Jacques Prauca, qui l’a rencontré le 2 juillet dernier, « le ministre de la défense Jean-Yves le Drian affirme ne pas être au courant de quoique ce soit sur l’avenir de Bégin, mais dans son entourage, on ne nie pas l’existence d’un chantier ouvert sur les hôpitaux des armées », explique-t-il au « Quotidien ». Une révision du périmètre hospitalier pourrait être à l’étude. On murmure que l’HIA de Marseille serait en mauvaise posture.
« Nous défendrons le SSA dans son intégralité : si l’on touche à un hôpital, les autres seront menacés », promet Jacques Prauca. « Nous sommes sous la tutelle de la défense, nous n’avons pas à entrer en compétition avec les hôpitaux publics », poursuit-il.
Les choses pourraient avancer à petits pas cet été. Le ministère de la défense devrait rencontrer une centrale syndicale de Bégin le 27 juillet et des inspecteurs de la Cour des comptes rencontreront le Service de santé des Armées le 8 et 9 août pour faire le bilan des évolutions depuis le rapport de 2010.
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