La semaine dernière était une semaine noire pour le CHU de Toulouse. Deux patientes ont subi un viol et une agression sexuelle au sein des urgences somatiques ; un troisième patient hospitalisé au service d’urgences psychiatriques – l’unique de Haute-Garonne -, s’est suicidé après dix jours passés sur un brancard.
Les urgences psychiatriques sont en grève depuis mi-janvier. Dans ce service, les syndicats alertent régulièrement sur des conditions d’accueil des patients dégradantes et intenables. « Nous avons fait trois alertes pour danger grave et imminent, et nous nous demandions toujours s’il faudrait attendre d’avoir des morts pour que la direction réagisse. C’est malheureusement arrivé », déplore Julien Terrié, secrétaire de la CGT au CHU de Toulouse.
Le service ne compte en réalité que six box de consultations de trois mètres par trois qui, faute de lits d’aval, sont régulièrement transformés en lits d’urgence par nécessité. « Nous avons en permanence une dizaine de patients sur des brancards, parfois sous contention pendant des jours, dans des conditions inacceptables car il n’y a ni toilettes, ni douche », décrit Julien Terrié.
Ouverture de 15 lits de post-urgence
Dans ce chaos, Didier Jaffre, le directeur de l’ARS Occitanie et Jean-François Lefebvre, le directeur général du CHU de Toulouse, ont réuni l’ensemble des acteurs le 16 février à l’hôpital Purpan. Après une visite des urgences, un face-à-face houleux s’est poursuivi jusque tard dans la soirée, entre le représentant de l’État, les médecins et soignants du CHU et de l’hôpital Marchant, les directeurs des cliniques privées de Haute-Garonne qui disposent de lits d’aval en psychiatrie, et sont donc aussi censés accueillir ces patients. « Je veux qu’il y ait désormais zéro hospitalisation dans ces urgences, qui sont et doivent rester des urgences de consultations avec orientation des patients dans les deux heures », a exhorté Didier Jaffre.
Pour désengorger le service, il a annoncé l’ouverture immédiate d’une unité de 15 lits de post-urgences sur le site de Purpan. « Cette unité d’hospitalisation de soins complémentaire doit permettre une meilleure prise en charge des patients avant un transfert vers le privé entre J+3 et J+5 », a précisé Jean-François Lefebvre, qui s’est engagé à trouver des locaux dans la semaine.
Une annonce saluée par la Dr Anne-Laurence Marion, chef par intérim des urgences psychiatriques, mais insuffisante pour calmer sa grande inquiétude. « Huit jours, cela va paraître impossible à supporter pour les équipes. Actuellement nous cherchons à orienter cinq patients par jour en moyenne, et nous ne parvenons à en adresser que deux vers les cliniques privées. C’est intenable. »
Accueillir tous les patients y compris sous contrainte
Sur ce point, l’ARS a annoncé la création immédiate d’une cellule de régulation et d’orientation indépendante, chargée de trouver des lits d’aval, pour décharger les soignants de cette mission. Il a surtout rappelé aux directeurs des établissements privés, « l’obligation d’accueillir ces patients, sans choix ni “tri”, y compris lorsqu’ils ont des antécédents carcéraux, souffrent de comorbidités ou de conduites addictives. Je ne suis pas dans la contrainte, mais je rappelle que les cliniques sont soumises aux autorisations et aux financements de l’Assurance-maladie. Des autorisations que l’ARS doit réexaminer dans les semaines et qui sont un levier pour nous ».
Une difficulté spécifique concerne les patients en soins sur décision d’un représentant de l’État (SDRE). Les urgences psychiatriques de Purpan en ont accueilli 50 en 2023, et ce chiffre a doublé en deux ans. « Une seule clinique privée de Haute-Garonne, celle de Beaupuy, dispose de l’agrément pour les accueillir, c’est insuffisant, il en faudrait davantage », a plaidé le Pr Christophe Arbus, chef du pôle psychiatrie du CHU.
En attendant, l’ARS a demandé la réouverture immédiate de tous les lits qui disposent d’autorisation, mais restent fermés faute de personnel. En premier lieu, les 15 lits de psychiatrie actuellement fermés à l’hôpital Marchant, quitte à faire appel à des intérimaires.
Ce que l’on sait du vol de données de santé de plus de 750 000 patients d’un établissement francilien
L’Igas veut inciter tous les hôpitaux à déployer des actions de prévention primaire
À l’hôpital psychiatrique du Havre, vague d’arrêts de travail de soignants confrontés à une patiente violente
« L’ARS nous déshabille ! » : à Saint-Affrique, des soignants posent nus pour dénoncer le manque de moyens