Ce sont désormais trois unités fonctionnelles (UF) qui composent l’unité médico-judiciaire du centre hospitalier (CH) de Roanne. La première – « médecine légale du vivant, psychiatrie médico-légale » – procède à des examens sur réquisitions judiciaires, expertises en victimologie et évaluation de préjudices, ainsi qu’à des examens à la demande de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra). La particularité est la présence d’une salle d’audition disponible sept jours sur sept, 24 heures sur 24 pour les forces de l’ordre, ce qui permet de recueillir la plainte des victimes hospitalisées, notamment dans les services urgences.
Prévenir la récidive
À cette première unité s’est ajoutée en 2022 un dispositif de prise en charge du psychotrauma qui accueille du lundi au vendredi les victimes, mineures et majeures, d’un psychotraumatisme, quelle qu’en soit l’origine et la date des faits. C’est au sein de cette deuxième UF qu’a été mis en place le premier programme de parrainage de résilience (PPR) à la suite d’une convention tripartite signée en 2022 par le CH, le tribunal judiciaire de Roanne et le service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP). « Il s’agit de proposer une autre modalité de prise en charge pour les victimes au sein d’un cercle de résilience comprenant des parrains/marraines civiques encadrés par les soignants sur un procédé identique à celui du cercle de “désistance” [processus par lequel l'auteur d'une infraction sort de la délinquance](…) pour les auteurs d’infractions, explique la Dr Virginie Lançon, médecin psychiatre et légiste, responsable de l’unité médico-judiciaire (UMJ) du CH de Roanne. Les objectifs du PPR sont de prévenir la récidive des situations de violences mais aussi de permettre une rencontre annuelle des deux cercles dans une intention de reconstruction individuelle et collective de justice restaurative. » Toute l’équipe de l’UMJ – médecins, psychologues, sage-femme, assistante sociale, infirmière et secrétaire – est formée à cette justice restaurative, popularisée par le film « Je verrai toujours vos visages ».
La troisième unité fonctionnelle, ouverte depuis novembre 2023, est l’unité d’accueil pédiatrique pour l’enfance en danger (Uaped) qui garantit la prise en charge de l’enfant et de l’adolescent victime, son orientation, sa protection et son suivi.
Depuis juin 2024, un bureau est mis à disposition des avocats qui répondent aux demandes des victimes sur les droits et les procédures à mettre en œuvre pour les protéger
Avocats spécialisés gratuits au sein de l’hôpital
Forte de cette expertise et convaincue que « les professionnels doivent davantage s’articuler autour la victime », la responsable de l’UMJ a impulsé une nouvelle convention tripartite – cette fois entre l’hôpital, le conseil départemental de l’accès au droit (CDAD) et le barreau de Roanne – afin de mettre en place des consultations gratuites et confidentielles d’avocats spécialisés.
« Un bureau situé au sein de l’unité accueillait déjà les permanences de trois associations de victimes, explique la Dr Virginie Lançon. Depuis juin 2024, le premier lundi de chaque mois, ce bureau est mis à disposition des avocats qui répondent aux demandes des victimes sur les droits et les procédures à mettre en œuvre pour les protéger, tant devant les juridictions pénales, familiales, que devant le juge des enfants. Ces consultations, gratuites et confidentielles, sont ouvertes à toute victime prise en charge par l’UMJ, quelle que soit la typologie de la violence (intrafamiliale, urbaine, professionnelle, terroriste) mais aussi à toute victime hospitalisée, avec une procédure judiciaire dans les suites ». Quinze avocats s’étant portés volontaires, d’autres créneaux pourront être ajoutés en fonction de la demande.
La démarche embrasse donc à la fois l’accès aux soins et aux droits. « Il reste difficile pour une personne dans une symptomatologie post-traumatique invalidante de se rendre à différents endroits pour faire valoir ses droits, être soignée, demander réparation, obtenir une aide sociale ou un accompagnement dans les procédures juridiques. Ici, sa prise en charge est globale. Elle a repéré les lieux et s’y sent protégée, elle peut s’organiser dans un même espace et voir plusieurs professionnels compétents et formés », poursuit la Dr Virginie Lançon.
Les féminicides, autre priorité
Concentrer ces dispositifs permet de multiplier les portes d’entrée et les échanges. « Le fait que certaines victimes s’adressent d’abord à un avocat ou un représentant d’associations peut aussi les conduire à nous, soignants, car au-delà de la prise en soins des symptômes psychotraumatiques aigus, une victime pourra aussi nous solliciter sur ses vulnérabilités, son parcours traumatique complexe individuel ou transgénérationnel », poursuit la médecin. Saluant le « courage » de la direction de l’hôpital pour son soutien aux initiatives de l’UMJ, la psychiatre souligne qu’une telle unité demeure « un service à part des autres services hospitaliers » avec une activité liée à celle des services judiciaires et d’enquête.
À la tête d’une unité médico-judiciaire qui reçoit plusieurs centaines de victimes par an et effectue environ 900 consultations (en thérapie spécialisée et centrées sur le psychotrauma), la responsable réfléchit déjà à son prochain cheval de bataille : les féminicides. « Nous avons eu parfois la charge première d’une fratrie victime, relate la Dr Lançon. Nous devons renforcer nos équipes, la circulation d’informations et la coordination entre les services afin d’essayer de prévenir ces drames au maximum et de suivre au mieux ses victimes collatérales lorsque le passage à l’acte a malheureusement eu lieu ».
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