« Pour la santé, on a besoin d'un budget à la hauteur », s’inquiète le Pr Rémi Salomon (CME de CHU)

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Publié le 18/09/2024

Président de la Conférence des commissions médicales (CME) de CHU, le Pr Rémi Salomon a alerté ce mercredi le prochain gouvernement : les choix budgétaires imminents pour le système de santé sont cruciaux. Pas question de sortir le rabot alors que l’hôpital sort à peine la tête de l’eau.

Crédit photo : RETMEN/SIPA

Si le Pr Rémi Salomon, chef du service de néphrologie pédiatrique à l’hôpital Necker-Enfants malades (AP-HP), a apprécié la venue dans son établissement du Premier ministre Michel Barnier à peine nommé, il a prévenu ce dernier, ce mercredi 18 septembre sur France Info : le prochain budget de la Sécurité sociale (PLFSS 2025), qui doit être débattu dans quelques semaines au Parlement, ne doit surtout pas mettre un coup d’arrêt à la dynamique positive dont jouissent les hôpitaux publics depuis les accords financiers du Ségur, en 2020.

Un infirmier pour quinze patients, ça ne va pas ! »

Pr Rémi Salomon

« Ma crainte, c'est que si on resserre le budget [des hôpitaux, NDLR], comme on l'a fait dans les années 2010-2020, on va à nouveau avoir des effectifs qui risquent d'être en nombre insuffisant, des conditions de travail qui se dégradent, et l'élan qu'on est en train d'observer, avec une reprise d'activité et un meilleur recrutement notamment des infirmiers […], risque d'être coupé, et ça, ça nous inquiète », a-t-il argumenté.

Le médecin spécialiste n’est pas dupe : « L'hôpital public est en grande difficulté, on a un déficit qui est estimé à peu près à deux milliards d’euros à la fin de l'année, ce qui est considérable, on n'avait jamais atteint ce niveau-là ». Mais, a-t-il souligné, « la santé a un coût, et ce coût augmente chaque année », entre une « population qui vieillit » et « des traitements techniques qui coûtent cher ». Et d’insister : « Pour la santé, on a besoin d'un budget qui soit à la hauteur. [...] Il ne faut pas à nouveau tendre la corde et se retrouver avec des effectifs insuffisants ». « Un infirmier pour quinze patients, ça ne va pas ! », a-t-il tranché. Le message est clair : pas question de rogner sur les crédits du secteur, au risque de plonger les hospitaliers dans des difficultés insurmontables.

La PDS en établissements, une responsabilité collective

Le Pr Salomon s’est aussi exprimé sur un sujet qui agite le landerneau médical : la permanence des soins en établissements de santé (PDS-ES) et donc la responsabilité partagée des hôpitaux, des cliniques et des médecins libéraux. Le pédiatre hospitalier a joué la modération, refusant de jeter la pierre au secteur libéral. « Il y a beaucoup de médecins en ville qui ont leur cabinet qui déborde, qui font des journées à rallonge », admet-il. Même son de cloche mesuré sur les urgences, que le public assure à hauteur de 85 %. Certes, a-t-il concédé, « on remarque à certains endroits que les cliniques privées ne prennent pas tous les patients et n’ont pas la même contrainte quant à la PDS que les hôpitaux. Mais il faut un partage de la PDS entre tous les acteurs, médecine de ville, établissements publics et privés. Il y a aussi nécessité de nous entendre, c’est de notre responsabilité ».

Comme beaucoup de médecins hospitaliers, le Pr Salomon attend « avec impatience » le décret d’application de la loi Valletoux qui doit mettre en musique cette solidarité territoriale entre les établissements et les libéraux dans le partage des contraintes de gardes. En sus, le PU-PH milite pour une refonte de la carte hospitalière, gage de succès de cette réforme. « Dans les petits établissements de santé, quand on n’est pas assez nombreux, on a un nombre de gardes beaucoup trop élevé et les conditions de soins ne sont pas bonnes », a-t-il précisé. Il mise sur une gradation accrue des soins d’urgences, avec la création d’antennes en lieu et place de services qui dysfonctionnent. Cette question « se pose aussi pour les maternités », a-t-il jugé.

Supprimer l’AME, « très mauvaise idée »

Le président de la CME de l’AP-HP a enfin fait part de son inquiétude renouvelée à l’idée de supprimer l’aide médicale d’État (AME) pour réduire les dépenses de santé, une proposition défendue de longue date par LR, la famille politique du nouveau locataire de Matignon. « C’est une très mauvaise idée », a affirmé le médecin. « Éthiquement, ce n'est pas recevable, dans le serment d'Hippocrate, on soigne tout le monde », a-t-il martelé, appuyant son propos sur deux autres arguments largement partagés par la communauté médicale : en termes de santé publique, supprimer l’AME (ou la réduire au minimum) revient à prendre le risque de voir se propager des maladies infectieuses ; et économiquement, ne pas soigner les populations étrangères en situation irrégulière qui peuvent prétendre à l’AME, c’est prendre là le risque de voir leur état de santé global se dégrader faute de soins, jusqu’à une prise en charge hospitalière beaucoup plus complexe et coûteuse.

Regarder les besoins de médecins par discipline et territoire

Sur la pénurie médicale enfin, le Pr Salomon entend faire la part des choses en ce qui concerne la formation de médecins supplémentaires. « Il y a 20 ou 30 ans, c’était une erreur collective de l’époque de penser qu’en diminuant l’offre [médicale], on allait diminuer la demande. On en voit aujourd’hui les conséquences avec un élément qu’on n’avait pas anticipé : le temps de travail moyen des médecins a diminué alors que la charge [de travail] a plutôt augmenté. » Pour autant, a-t-il recadré, « nous n’avons pas autant besoin de chirurgiens esthétiques que de gériatres ou de pédiatres. Il faut bien analyser les besoins », de préférence « à l’échelle territoriale et discipline par discipline ». Le Pr Salomon a prôné en parallèle une sensibilisation dès le lycée aux métiers du soin. « Qui sait ce qu’est un manipulateur radio, un préparateur en pharmacie ?, s’interroge-t-il. Pourtant, on en a fichtrement besoin ! »


Source : lequotidiendumedecin.fr