Début novembre, Christian Estrosi a annoncé un projet d’envergure : la construction d’un méga hôpital d’ici 2031 dans la plaine du Var, situé dans l’ouest de la ville. Celui-ci regroupera trois établissements : l’Archet, Cimiez et le centre Antoine-Lacassagne, Espic spécialisé dans la lutte contre le cancer.
Le coût d’un tel chantier est estimé entre 500 et 600 millions d'euros, ce qui fait grincer quelques dents. Mais pour le Pr Jacques Levraut, président de la commission médicale (CME) du CHU, le projet a du sens sur le plan médical. Entretien.
LE QUOTIDIEN : quelle est la genèse du projet ?
Pr JACQUES LEVRAUT : C’est un projet dont on parle depuis 40 ans. À l’époque, on désirait déjà regrouper les activités du CHU sur un seul site. Mais on avait abandonné l'idée car la plaine du Var était située en zone inondable, ce qui n’est plus le cas. D’autres disent que le lobbying des maraîchers était à l'œuvre. Toujours est-il que ce projet me tient à cœur. Je l’avais déjà mentionné dans ma profession de foi en 2021. Certains collègues m’avaient dit : « Tu es complètement fou ! Ce n’est pas possible ! On n’y arrivera jamais ! » Mais, finalement, cela prend forme.
Que vont devenir les hôpitaux de l'Archet (1 et 2) et Cimiez ?
Ce sont des hôpitaux vieillissants qui nécessitent des travaux importants et onéreux. On sait notamment qu’il y a de l’amiante à l’Archet 1, que le site n’est plus adapté aux normes antisismiques. Donc, quitte à faire des travaux, autant partir sur quelque chose de nouveau. Cela aurait aussi l’avantage de ne pas faire d’« opérations tiroir », de ne pas mettre les patients ailleurs de manière provisoire. Si on déménage les activités sur un nouveau site et si on abandonne les anciens sites, cela sera beaucoup plus simple sur le plan logistique. Et puis, la qualité des locaux participe à la qualité de vie au travail.
Est-ce bien raisonnable au regard de la situation financière du CHU ?
C'est vrai que le déficit de l’hôpital était encore de 42 millions d’euros cette année. On espère redresser la trajectoire dès 2024. Notre nouveau directeur, Rodolphe Bourret, met en place à Nice le modèle valenciennois de « gestion médicale décentralisée ». Ce modèle devrait redonner du souffle à l’hôpital et relancer notre activité. Les médecins sont motivés. Car tout, dans ce projet, a du sens sur le plan médical.
En quoi ce projet permettra d’optimiser les prises en charge ?
Actuellement, les activités de pédiatrie sont assurées en association avec la Fondation Lenval, un autre Espic. Certaines activités sont sur le site de Lenval qui est à proximité de la promenade des Anglais.
Une partie de la pédiatrie est encore aujourd’hui à l’hôpital l’Archet, notamment la réanimation néonatale qui est annexée à la maternité de niveau 3, ce qui est logique. On a également sur le site de l’Archet du CHU de Nice : l’onco et hématologie pédiatrique, la Néphrologie-Rhumatologie et la dialyse pédiatrique. Ce qui veut dire que l’on a des parcours de soins pour les patients pédiatriques qui ne sont pas optimaux.
Imaginez un patient qui naît avec une malformation grave à la maternité de l'Archet et qui a besoin de chirurgie. Il va donc devoir, juste après la naissance, se rendre à la fondation Lenval pour y être opéré, puis retourner à L’Archet pour bénéficier des soins de réanimation néo-natale. Les parcours manquent de clarté et de logique. Si la pédiatrie était regroupée sur un seul site, on éviterait ces transferts Fondation Lenval – Hôpital Archet du CHU de Nice (et inversement) qui sont délétères et à haut risque pour les patients les plus sévères.
Enfin, Lenval, qui est un trauma-center de niveau 1, est normalement capable d’accueillir les traumatismes pédiatriques les plus graves. Or il y a des choses qu’ils n’ont pas, comme la radio-embolisation. Il faudrait donc que cet hôpital soit accolé à un hôpital adultes. Car les services pédiatriques n’ont pas tous les plateaux techniques nécessaires. Cela permettrait aussi aux pédiatres de travailler en étroite collaboration avec les médecins de l’hôpital adultes, notamment pour les maladies complexes.
Y aura-t-il regroupement de la cancérologie ?
Oui. Le centre Antoine-Lacassagne, qui est situé à côté de l’hôpital Pasteur, a des difficultés. Il est coincé dans un espace qui ne peut pas s’étendre. Pour résumer, si le CHU se rapproche des établissements de soins à but non lucratif (Fondation Lenval et centre Antoine Lacassagne), ces collaborations devraient améliorer les parcours de soins. D’autant plus que le centre de recherche du CHU, le centre méditerranéen de médecine moléculaire (C3M), est situé à proximité de l'Archet. Donc, si la cancérologie était accolée à cette unité de recherche, on pourrait dynamiser la recherche.
Quid du capacitaire du futur hôpital ?
Le site de la plaine du Var pourra accueillir 125 000 m2 de surface constructible. Mais il est trop tôt pour donner le nombre de lits, car le capacitaire dépendra du projet médical. Mais je suis convaincu qu’on aura au minimum le même nombre de lits qu’aujourd’hui.
À l’hôpital psychiatrique du Havre, vague d’arrêts de travail de soignants confrontés à une patiente violente
« L’ARS nous déshabille ! » : à Saint-Affrique, des soignants posent nus pour dénoncer le manque de moyens
Ouverture du procès d'un homme jugé pour le viol d'une patiente à l'hôpital Cochin en 2022
Et les praticiens nucléaires inventèrent la médecine théranostique