12 % des femmes de 20 à 30 ans souffriraient d’incontinence urinaire, 25 % de celles entre 60 et 69 ans et 32 % des plus de 80 ans, selon les données de l’HAS (1), en 2006. Il s’agit d’estimations que les urologues s’accordent pourtant à penser sous-évaluées. Au vu de ces chiffres, la question des pertes d’urines devrait donc être abordée quasiment systématiquement au cours des consultations, en particulier en médecine générale. Mais c’est loin d’être le cas. Antécédents gynécologiques, obésité ou pratique du sport sont des facteurs de risque reconnus.
Une sportive sur trois en moyenne est sujette aux fuites d’urine au cours de sa pratique. Ces femmes – plutôt jeunes – vivent souvent cet état de fait comme une fatalité et s’en ouvrent assez rarement à leur médecin. « En ski de compétition, du fait des impacts au sol et des efforts mettant en jeu la ceinture abdomino-dorsale, les risques sont particulièrement élevés », explique le Dr Stéphane De Jésus, médecin de la Fédération Française de Ski (FFS) au Quotidien. « Nous avons mis en place des questionnaires systématiques pré-consultation de médecine du sport afin de détecter les sportives gênées pendant l’entraînement ou la compétition. Mais le sujet reste relativement tabou et difficilement abordé, autant par les skieuses que par leurs médecins ».
Dans une thèse de médecine générale (2), le Dr Nathalie Genebes s’interroge en 2017 sur le diagnostic de cette pathologie en médecine générale, dont la recherche, en dépit de recommandations multiples (ANAES 2003, AFU 2007 et 2010), semble encore peu systématique. La démarche est avant tout du ressort de l‘interrogatoire. Le travail de cette thésarde, à partir de questionnaires remplis par 158 médecins généralistes, montre que la majorité des praticiens semble informée – du moins en partie – sur cette pathologie. Mais pour autant, ils ne la recherchent pas systématiquement : seulement 7 % posent cette question aux consultantes adultes très régulièrement et 48 % à l’occasion de certaines prises en charge. Ces chiffres sont peu influencés par l’âge et le sexe du praticien.
Tabou pour les patientes, embarras pour le médecin
Pour quelles raisons les généralistes n’abordent-ils pas ce sujet ? Principalement, parce que la question de l’incontinence est prioritairement réservée à certaines pathologies où le sujet est directement verbalisé par le médecin (dans près de la moitié des cas) : suivi gynécologique, toux chronique, pathologie neurologique… En revanche, pour les patientes ménopausées, en post partum ou souffrant d’infection urinaire, la question d’une éventuelle perte d’urine n’est abordée qu’avec 5 % des femmes. Les généralistes interrogés par le Dr Genebes n’ont pas le réflexe « recherche d’incontinence urinaire » systématique. Ils avouent attendre la plupart du temps que les femmes leur en parlent et se sentent souvent mal à l'aise pour initier le sujet de but en blanc.
Autre preuve de la difficulté à la prise en charge : le bilan urodynamique est rarement proposé par le généraliste lui-même qui adresse généralement la femme à un urologue, un kinésithérapeute ou une sage-femme.
Si le médecin a du mal à aborder la question de l’incontinence urinaire des femmes, c’est aussi parce que les patientes considèrent cette question comme un tabou. Dans la thèse du Dr Genebes, seules 20 % des patientes osent aborder le sujet an cours des consultations. Aux États-Unis, où une partie du questionnaire clinique est réalisée par des auxiliaires médicaux ou par des auto-questionnaires préalables aux consultations, le recueil d’information pré-consultation permet de soulever la question de l’incontinence plus facilement. « Mais même si le médecin est orienté par le questionnaire, le tabou de la perte d’urines est souvent difficile à partager », analyse le Dr De Jesus.
La mise en place de questionnaires standardisés préalables à la consultation permet d’aborder le sujet de façon efficace. En France, on est encore loin de cette habitude, or il s’agit d’une solution facilitante pour définir des priorités de consultation et de prise en charge. L’accès au traitement – par rééducation périnéale ou par médicament- étant encore actuellement simple, il est important de se donner les moyens de faciliter la vie des femmes, mais aussi des hommes, qui souffrent d’incontinence urinaire quelle qu’en soit l’origine. Le dialogue orienté est la pierre angulaire de la consultation et du traitement.
Exergue : L’accès au traitement étant simple, il est important de se donner les moyens de faciliter la vie des femmes
(1) https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/argumentaire1_2006…
(2) Prise en charge de l’incontinence urinaire féminine non neurologique, non post-partum en médecine générale en Béarn et Soule : enquête sur la mise en place des traitements de première intention. Genebes N.https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01611367/document
(3) https://www.ameli.fr/hauts-de-seine/assure/sante/themes/incontinence-ur…
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