Le trouble dissociatif de l'identité (TDI, anciennement appelé le trouble de la personnalité multiple selon la CIM-10) est un trouble mental défini en 1994 dans le DSM par un ensemble de critères diagnostiques comme un type particulier de trouble dissociatif. Le diagnostic requiert la présence d'états de personnalité distincts avec altération significative de la mémoire, la perception, des affects, de la cognition et possiblement du fonctionnement sensorimoteur. Les personnes concernées présentent au moins deux identités alternantes « alters », aussi appelées états autonomes, identités du moi ou parties (1). Elles évoquent des échanges entre ses personnalités avec des voix et des capacités mentales différentes.
Une pathologie médiatisée sur TikTok
Cette pathologie a été popularisée dans les années 2000 par le film Figth Club puis Split en 2016 (adaptation du livre Les milles et une vies de Billy Milligan paru chez Calmann-Lévy en 2007). Plus récemment, ce sont les grands ados et les jeunes adultes qui ont repris à leur compte la « pluralité » en particulier sur le réseau social TikTok. Ces « plurielles » ne souffrent pas de TDI à proprement parler mais elles évoquent plusieurs « identités » qui coexistent et s’articulent. De plus en plus – à la faveur de la médiatisation, de l’émergence des reconnaissances identitaires générationnelles et de la valorisation narcissique fréquente à cet âge - les jeunes s’autodiagnostiquent comme « pluriels » à la seule foi de leur communauté virtuelle, comme l’a expliqué la Dr Julie Rolling (Strasbourg) à l’occasion du congrès 2023 de l’Encéphale (2). « Le TDI peut engendrer une certaine fascination chez l’adolescent qui serait susceptible de tirer parti de l’entraide sur les réseaux sociaux et de l’intérêt ainsi suscité », analyse la pédopsychiatre.
Un à quatre patients pour 25 % des psychiatres
Comment les psychiatres français appréhendent-ils cette « épidémie » de TDI et de personnalités « plurielles » ? Une enquête menée auprès de 800 psychiatres français et présentée au cours du congrès de l’Encéphale relate que 51 % des professionnels émettent des doutes sur l’existence de ce trouble le plus souvent. Comme l’a expliqué la Dr Coraline Hingray, « cette pathologie est considérée comme rare, voire exceptionnelle en France. Deux tiers des 800 médecins interrogés n’avaient jamais eu de tels patients à soigner, les 24 % restant avaient déjà suivi entre un et quatre patients dont la moitié s’était auto-diagnostiquée ». Un chiffre bas possiblement lié à un défaut de formation puisque 61 % des praticiens se sont avoués mal informés sur le sujet.
Interrogés sur l’épidémiologie du trouble, les psychiatres se sont prononcés majoritairement (67 %) pour une prévalence de 0,15 % de la population. Pourtant, certaines études semblent formelles (3,4) : 1 % de la population souffrait de ce trouble. Reste que le diagnostic différentiel avec la schizophrénie et les troubles borderline est parfois délicat.
Mais comme en témoignent des patients, les médecins sont réticents à admettre ce diagnostic qui est souvent pris pour de la simulation, même si dans l’étude française 80 % des personnes interrogées affirmaient qu’ils ne jugeaient pas la situation a priori.
La Dr Hingray conseille en pratique de se former car on ne diagnostique que des pathologies pour lesquelles on a été formé. C’est aussi le point de vue de Richard Loewenstein (4). Le TDI existe, c’est un trouble caméléon qui permet au patient de se protéger et qui peut prendre des formes multiples (trouble, panique, TOC, dépression résistante, schizophrénie atypique). Même si les réseaux sociaux ont mis en avant cette pathologie, il est important de ne pas négliger le risque suicidaire. Olympe (5), l’une des youtubeuses TDI la plus médiatisée, a même envisagé un suicide assisté en Belgique pour mettre fin à sa souffrance (6). Pas sûr que ce choix n’apparaisse pas comme une « manipulation » de l’opinion par les professionnels de la santé mentale.
(1) Vivre avec un TDI, une pathologie nécessaire à la survie. L’Encéphale On line. https://www.youtube.com/watch?v=DZPng4PPm6M (3) Christensen EM. The online community: DID and plurality. European Journal of Trauma & Dissociation 2022; https://doi.org/10.1016/j.ejtd.2021.100257 (4) Loewenstein RJ. Dissociation debates: everything you know is wrong. Dialogues in Clinical Neurosciences 2018. https://doi.org/10.31887/DCNS.2018.20.3/rloewenstein (5) @filledelalune__ sur TikTok
(2) Trouble dissociatif de l'identité : psychiatrie ou fantaisie ? Encéphale. 20 janvier 2023.
(6) Trouble dissociative de l’identité: quelle est cette maladie dont souffre la Youtubeuse Olympe ? https://www.cnews.fr/people/2023-01-19/trouble-dissociatif-de-lidentite…
Ce que l’on sait du vol de données de santé de plus de 750 000 patients d’un établissement francilien
L’Igas veut inciter tous les hôpitaux à déployer des actions de prévention primaire
À l’hôpital psychiatrique du Havre, vague d’arrêts de travail de soignants confrontés à une patiente violente
« L’ARS nous déshabille ! » : à Saint-Affrique, des soignants posent nus pour dénoncer le manque de moyens