LE QUOTIDIEN : Faire appel à un médecin à bord d’un avion, est-ce un évènement exceptionnel ?
Dr VINCENT FEUILLIE : Avant tout, il ne faut pas oublier que les personnes qui voyagent en avion sont généralement en assez bonne santé, même si ce moyen de transport est désormais plébiscité par les plus âgés. Entre avril 2007 et mars 2008 (dernière période analysée), 7 138 incidents sont survenus à bord d’avions d’Air France qui effectuent environ 1 000 vols par jour.
Un médecin a répondu à l’appel de l’équipage dans 77,6 % des cas : 89,8 % sur les long-courriers, 71,2 % sur les moyen-courriers et 37,3 % sur les court-courriers. Il s’agissait dans la moitié des cas de malaises, venaient ensuite des syndromes digestifs (15 %), de la traumatologie (10 %), les atteintes cardiopulmonaires (8 % mais à l’origine de 50 % des déroutements pour motifs médicaux), les causes neuropsychologiques, urinaires, ORL ou gynéco étaient plus rares (3 à 1 %).
À bord, le personnel de cabine est bien formé au secourisme avec l’obligation de renouveler tous les ans leurs connaissances. En cas de besoin, tous les avions de compagnies aériennes françaises qui effectuent des vols long-courriers sont en lien avec le SAMU de Paris où un régulateur peut donner un avis expert.
Comment les conditions à bord d’un avion influent-elles sur la santé des voyageurs ? À COUPER SI TEXTE TROP LONG
À bord d’un avion de ligne, les passagers se retrouvent durant quelques heures dans l’équivalent d’une station de moyenne - haute montagne, la pression atmosphérique n’est jamais équivalente à celle du niveau de la mer : la cabine est pressurisée jusqu’à correspondre à une altitude de 1 800 à 2 400 m. Avec cette diminution de la pression, la PaO2 est comprise entre 71 et 59 mmHg et la saturation en O2 est comprise (hors pathologie) entre 90 et 93 %, les gaz se dilatent de 30 % (Loi de Boyle Marriott). En outre, dans un avion l’hygrométrie basse (inférieure à 15 %), le corps subit des bruits (75 dB), des vibrations et des accélérations, le tout à une température moyenne de 23°C.
Pour quelles raisons avez-vous souhaité mettre en place un programme d’identification des médecins volontaires pour donner des soins à bord des avions ?
Faire un appel à un médecin à bord peut être anxiogène pour les passagers, pour les membres d’équipage et pour les soignants (qui parfois n’osent pas se présenter). D’où notre idée de proposer aux médecins qui le souhaitent, et qui voyagent pour des raisons professionnelles ou privées, de se signaler à la compagnie et d’intégrer une communauté de confrères. Les médecins s’inscrivent sur le site, les diplômes sont vérifiés, ainsi que les langues parlées et les spécialités. En remerciement des « miles » sont attribués sur leur carte de fidélité et à chaque fois qu’ils monteront à bord d’un avion, leur présence sera signalée au personnel navigant. L’appel à médecin a été lancé en juillet 2022 pour Air France et à l’hiver 2022-23 pour KLM. Un total de plus de 1 300 médecins (dont 800 pour Air France) provenant de 43 pays a déjà été accrédité (principalement des anesthésistes, des réanimateurs et des urgentistes, mais aussi des généralistes). Les médecins ne sont pas payés pour leurs interventions, mais ils bénéficient de « miles » en récompense de leur implication.
La responsabilité professionnelle peut-elle être mise en jeu ?
Que le médecin – dont on vérifie toujours la carte professionnelle - fasse ou non partie du programme, sa responsabilité médicale ne peut pas être mise en jeu puisqu’il est considéré par délégation pour les assurances comme un intervenant de la compagnie aérienne (loi du Bon Samaritain mise en place aux États-Unis pour éviter les procès). Si un déroutement est réalisé, la responsabilité en incombe au commandant de bord exclusivement après avis médical (en coordination avec le SAMU de Paris). La décision doit prendre en compte le ratio bénéfice/risque analysé en fonction de la zone géographique.
Quel niveau d’équipement médical trouve-t-on dans les avions d’Air France ?
Pour tous les vols, une trousse de premier secours est disponible avec quelques médicaments ou équipement (Steri-Strip, désinfectants, anti-histaminique, antipyrétique, matériel de protection masque, gants). Pour les vols moyen-courriers, l’équipement – qui n’est pas disponible sur les vols low cost car non obligatoire – est plus important (G30, bronchodilatateur, perfusion…). Enfin, pour les vols long-courriers on trouve une gamme de médicaments (y compris des traitements à visée cardiovasculaire ou antibiotiques), des produits injectables, et du matériel (dont un test de diagnostic rapide du paludisme). Sur tous les vols, une trousse de réanimation avec défibrillateur est aussi disponible tout comme des bouteilles d’oxygène. Tout ce matériel permet une bonne prise en charge des éventuels patients dans l’urgence et, preuve en est, le taux de survie après un arrêt cardiaque dans un avion est meilleur qu’au sol (grâce aux 300 témoins, au personnel formé et au matériel à disposition).
À l’hôpital psychiatrique du Havre, vague d’arrêts de travail de soignants confrontés à une patiente violente
« L’ARS nous déshabille ! » : à Saint-Affrique, des soignants posent nus pour dénoncer le manque de moyens
Ouverture du procès d'un homme jugé pour le viol d'une patiente à l'hôpital Cochin en 2022
Et les praticiens nucléaires inventèrent la médecine théranostique