Les médecins urgentistes du CHU de Caen ont eu ce vendredi 26 juillet une nouvelle réunion avec la direction qui s’est soldée par un statu quo. En conséquence, les 19 praticiens sur la trentaine de permanents de l’équipe urgentiste ont affirmé continuer le mouvement de grève qu’ils ont entamé le 12 juillet. En cause : le manque criant de médecins qui a pour conséquence un temps d’attente pour les patients démesuré, allant parfois jusqu’à 24 voire 48 heures.
La grève des médecins a débuté après un mois et demi de négociation pour obtenir davantage de postes. Mais malgré les nombreuses réunions, la seule avancée obtenue de la direction est l’octroi d’une demi-garde en soirée supplémentaire, pourvue essentiellement de médecins du CHU (cardiologues, neurologues, pneumologues, etc.). Une décision totalement insuffisante aux yeux des grévistes, qui ont donc reconduit leur mouvement.
Huit ETP pourvus sur 24
La grogne des médecins s’inscrit dans un contexte qui est loin d’être favorable. L’été est traditionnellement une période source de tensions. Cette année, alors qu’il devrait y avoir entre 23 et 24 équivalents temps plein, seul un tiers des effectifs est pourvu. Petit à petit, la situation n’a fait qu’empirer. La fuite des bras et des cerveaux s’est aggravée de mois en mois. Facteur défavorable, sur les trois cliniques du bassin caennais, deux d’entre elles doivent assurer la permanence des soins 24 heures/24. Mais depuis fin mai, l’une a fermé la nuit et l’autre vient de faire de même pour fin juillet et tout août. Pendant une très grande partie de l’été, le CHU sera le seul recours pour les patients.
Trois jeunes chefs de clinique initiateurs de la grève
L’affaire est prise très au sérieux par trois jeunes chefs de clinique qui ont tiré la sonnette d’alarme et négocient désormais directement avec la commission médicale d’établissement (CME) et la direction des soins du CHU, avec le soutien du syndicat Jeunes médecins. Une rencontre a aussi eu lieu il y a une dizaine de jours avec l’agence régionale de santé (ARS) Normandie.
Évoquant des médecins urgentistes obligés de faire le travail pour deux, ou même pour trois, faute de confrères en nombre suffisant, un des trois chefs de clinique interrogé par Le Quotidien s’inquiète franchement pour le mois d’août : « On peine vraiment à remplir le planning d’été, regrette-t-il. Le mois prochain, il nous manque la moitié des médecins ». À l’entrée des urgences, une infirmière d’accueil est bien chargée dans le cadre d’un partenariat avec SOS médecins de réorienter les patients non urgents vers la ville, afin de laisser un peu souffler les urgentistes hospitaliers. Mais le chef de clinique n’en reste pas moins pessimiste.
On peine vraiment à remplir le planning d’été. Le mois prochain, il nous manque la moitié des médecins
Un chef de clinique urgentiste du CHU de Caen
Augmenter à tout prix le nombre de lits d’aval
Pour l’instant, les grévistes n’ont pas l’intention de lâcher du lest sur leurs revendications. Ils souhaitent en priorité le recrutement de médecins provenant d’autres horizons (centres hospitaliers périphériques, cliniques privées, intérimaires, médecine générale). Autre demande de leur part, l’augmentation du nombre de lits d’aval en médecine comme en chirurgie, source de blocage aux urgences. Enfin, prérogative propre à leur métier, les urgentistes souhaiteraient pouvoir continuer à exercer au Samu-Smur. Pour l’instant, les trous des lignes de Smur sont à peu près comblés pour cet été (seules deux ou trois dates manquent encore), un peu avec l’aide de praticiens extérieurs, et majoritairement par du temps supplémentaire réalisé par des urgentistes de l’établissement.
Dans un communiqué en date du 12 juillet, la direction de l’établissement a rappelé quelques-unes des actions déjà mises en œuvre, parmi lesquelles la création de postes d’infirmiers gestionnaires de lits, la création de lits d’aval en cancérologie, SMR, gériatrie et médecine polyvalente ces dernières années, ou bien la recherche et « la participation » de médecins d’autres établissements et d’autres spécialités, mais sans donner de chiffres exacts.
Le SAS est en place depuis le 21 mai
Contactée, l’ARS a indiqué suivre « avec attention la situation sur le territoire de Caen ». L’agence précise qu’elle n’a pas souhaité mettre en place un système de régulation propre au CHU uniquement (annonce qui a pourtant été faite en réunion officielle avec le directeur du Samu 14, selon le chef de clinique) mais préfère miser sur le déploiement du service d’accès aux soins (SAS) à l’échelle du département du Calvados, dispositif « qui monte en charge progressivement depuis le 21 mai », avec la coopération de la médecine de ville.
Pour combler les effectifs manquants, les services de l’agence recherchent aussi des médecins volontaires auprès des hôpitaux de l’hémi-région Ouest (Loire Atlantique, Vendée) et à la ville. Elle a aussi fait appel à la réserve sanitaire « dans un contexte de forte mobilisation au regard du contexte des Jeux olympiques et Paralympiques ».
La direction du CHU rappelle quant à elle souhaiter poursuivre les négociations avec les urgentistes. Une nouvelle réunion devrait avoir lieu sur la deuxième moitié du mois d’août.
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