Prévention de la récidive après tentative suicide

VigilanS bientôt étendu à toute la France

Par
Publié le 08/10/2018
Article réservé aux abonnés
SUICIDE

SUICIDE
Crédit photo : S. Toubon

La feuille de route « Santé mentale et psychiatrie » présentée par Agnès Buzyn fin juin prévoit la généralisation à l'horizon 2020 sur l'ensemble du territoire du dispositif de recontact des personnes ayant fait une tentative de suicide, VigilanS, né dans le Nord en 2014.

Plusieurs territoires (Normandie, Bretagne, Languedoc Roussillon, Martinique et Jura) ont déjà adopté ce modèle de prévention de la récidive imaginé au départ par le Pr Guillaume Vaiva, chef du service de psychiatrie, médecine légale et médecine en milieu pénitentiaire CHRU de Lille, et soutenu par l’ARS dès ses débuts. Il doit être renforcé dans ces régions et amorcé en Grand-Est, Réunion et Ile-de-France en 2018 et créé en 2019 et 2020 dans les autres régions.

Projet lillois

Après plus de trois ans d'expérimentation, le dispositif est pérennisé à Lille depuis le mars 2018. « Il a accompagné 11 000 personnes en tout depuis septembre 2014 », souligne le Dr Christophe Debien, coordinateur du dispositif originel à Lille. Cet accompagnement se déroule sur plusieurs mois. À partir du moment où les personnes qui ont fait une tentative de suicide sont prises en charge par des professionnels de santé, aux urgences notamment, elles reçoivent une fiche d'information sur l'accompagnement proposé et une carte pour contacter le dispositif. Si elles sont d'accord, elles sont d'emblée incluses. Les personnes pour lesquelles c'est la première tentative seront alors recontactées au moins six mois après, et les autres (ainsi que tous les mineurs) 10 à 20 jours plus tard puis six mois après au moins. Les personnes sont prévenues du recontact par courrier ou SMS. Si l'appel n'aboutit pas ou s'il montre une situation fragile, les « vigilanseurs » tentent de reprogrammer un autre appel et envoient à la personne une carte postale par mois pendant quatre mois. En lien avec de très nombreux professionnels, ils font face également aux appels « de crise ».

Protocole de reconcact

À six mois, le suivi s'achève ou au contraire se poursuit si nécessaire. Les personnes incluses acceptent que leur médecin traitant ou leur psychiatre soit informé de leur tentative et des étapes du suivi. Des professionnels qui peuvent également contacter le dispositif en cas de besoin. Les « vigilanseurs » sont des infirmiers et des psychologues (qui passent cette année à Lille de 3 à 5 ETP), indique Christophe Debien. Selon lui un nouveau « métier » bien particulier est en train de naître qui consiste à manifester sa préoccupation, son attention et son soutien et à exercer sa vigilance sur de possibles signes de risque de récidive. La file active du dispositif de Lille, développé surtout sur le Nord et le Pas-de-Calais, compte actuellement 3850 patients, dont environ 20 % de mineurs.

Avant que sa généralisation soit décidée, le dispositif lillois a fait l'objet d'une évaluation par le Centre d’investigation clinique (CIC) de Lille, publiée en novembre dernier. Elle montre « sur le plan quantitatif une diminution du nombre de passages – et repassages- aux urgences pour tentative de suicide, note le coordinateur. Jusqu'à moins 30 % » sur les plus « impliqués » des 28 sites participant au dispositif (- 13 % au total). Une des missions du coordinateur consiste d'ailleurs à rencontrer les professionnels de santé des urgences, centres d’accueil de crise, services de psychiatrie et pédopsychiatrie, CMP, médecins traitants ou du travail... pour développer le maillage du territoire mais aussi soutenir l'implication de ceux qui sont déjà engagés, ajoute le Dr Debien.

Efficacité

L'effet du dispositif sur la mortalité par suicide est difficile à mesurer car les données du CépiDC sur les décès et leurs causes ne sont connues qu'après un délai de trois ans et tout le territoire régional n'est pas couvert. Le CIC de Lille a toutefois pu observer un taux de décès par suicide à un an de 0,7 % dans le dispositif, contre 1 à 2 % attendus, ainsi qu'une baisse des « indicateurs des conduites suicidaires ». Au fur et à mesure du déploiement dispositif et de son évaluation, ses promoteurs envisagent son évolution. En matière de recontact, les délais et les modalités (cartes postales géantes pour malvoyants, possibilité pour les personnes malentendantes d'utiliser le fax ou le SMS) sont parfois modifiés. « Nous voulons aussi être plus pertinents pour les personnes âgées, une population particulièrement à risque, souligne le Dr Debien, et pour les détenus », très concernés aussi, mais dont les possibilités de communication avec l'extérieur sont compliquées par de multiples facteurs.

De notre correspondante Géraldine Langlois

Source : Le Quotidien du médecin: 9692