Après les internes la semaine dernière, c’était au tour des étudiants en médecine d’être auditionnés ce mercredi par la commission des Affaires sociales du Sénat.
Nicolas Lunel, président de l’Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf), a brossé la situation « précaire » des externes français. Avec des émoluments mensuels de 200 à 300 euros net par mois, « ces étudiants sont dans une très grande précarité financière, et n’ont pas le temps de prendre un job étudiant en plus de l'hôpital », a expliqué le président de l’Anemf devant les sénateurs. Résultat : un quart des carabins a déjà songé à arrêter ses études pour des raisons financières.
Ces budgets difficiles à boucler se combinent aux difficultés intrinsèques des études médicales (pressions, manque de considération, voire situations de harcèlement). « Un externe sur deux ne recommande pas ses études », poursuit l’étudiant toulousain.
Dans ce contexte, les augmentations actées lors du Ségur de la santé n’ont pas suffi à apaiser le malaise. « On nous donne d’un côté pour nous reprendre de l’autre », s'agace Nicolas Lunel. Car, si le Ségur a revalorisé le salaire des externes, en parallèle, la réforme des allocations logement a amputé de 100 euros par mois les aides reçues par ces étudiants hospitaliers. « C’est une bien maigre compensation pour récompenser l’investissement massif des étudiants pendant la crise », ironise le président de l’Anemf. « Après la pandémie, un quart des étudiants en médecine déclare avoir eu des idées suicidaires », ajoute-t-il.
375 euros net par mois
Autre point de crispation : les externes ne peuvent prétendre à la prime d’activité « car on ne touche pas assez pour obtenir cette aide », souligne Nicolas Lunel qui demande que les étudiants en médecine y soient éligibles. L’Anemf réclame par ailleurs que les émoluments des externes soient a minima alignés sur ceux des stagiaires de l’enseignement supérieur – à savoir 375 euros net par mois.
La précarité des carabins serait accentuée par le statut d’étudiant hospitalier, « un sac de nœud », pour le président de l'Anemf. « Dans certains textes, nous sommes considérés comme des étudiants, dans d’autres comme des agents de la fonction publique ou des étudiants salariés… C’est très compliqué de connaître nos droits », avance-t-il.
10 000 étudiants à former, pas plus !
Les doyens, également interrogés par la commission des Affaires sociales du Sénat, ont eux aussi fustigé le manque de financement de l'enseignement universitaire. « Avec la réforme du premier cycle, on a communiqué sur la suppression du numerus clausus, mais il y a des contraintes d’encadrement », rappelle le Pr Patrice Diot, président de la Conférence des doyens de médecine. « Il faut le dire : nous ne sommes pas en capacité de former plus de 10 000 médecins par an dans notre pays, c’est le maximum, sauf à dégrader la qualité de la médecine française », a alerté le doyen de la faculté de Tours.
En 2020, le gouvernement avait promis 250 postes d’enseignants universitaires en santé supplémentaires sur cinq ans (associés et titulaires) afin de pallier la hausse du numerus apertus dans les facultés, nouvelle mouture du numerus clausus. « À partager entre les 38 facultés de médecine, les 28 de pharmacie et celles d’ontologie ou de maïeutique, cela fait un poste tous les 4 ans par faculté », résume le Pr Diot.
Nicolas Lunel décrit lui aussi des facultés proches de la saturation. « Les stages sont surchargés, les enseignements ont été conçus pour un nombre beaucoup plus faible d'étudiants et les facs peinent à suivre la cadence », témoigne le président de l’Anemf. Il réclame « un financement massif en infrastructures et en professeurs » pour améliorer la qualité de la formation des carabins. « Un médecin mal formé, c’est un patient qui trinque », met-il en garde.
« Des décennies d’erreur politique »
Doyens et étudiants se sont accordés sur l’échec du numerus clausus, mis en place en 1972. « Dans les années 1990, nous sommes descendus à 3 500 médecins formés en France, désormais on paye des décennies d’erreur politique », constate le Pr Diot. Il explique toutefois que l’augmentation du nombre de praticiens formés « ne permettra pas de régler les problèmes de démographie médicale et de zones sous-denses dans l'immédiat, car si les jeunes ne s'y installent pas c’est aussi parce que ces territoires sont sous-denses dans le reste des activités ».
En 2019, le Sénat avait voté un texte – contre l'avis du gouvernement – obligeant les internes en fin de cursus à exercer six mois dans un désert médical. Mais le décret d'application n’a toujours pas été publié. Le Premier ministre s'est engagé à appliquer cette réforme d'ici au printemps prochain. Cette proposition, à l'époque, n’avait pas ravi les fédérations étudiantes. « Comment les internes feront-ils pour se loger ? Devront-ils payer un double logement ? », s’interroge Nicolas Lunel. Le président de l'Anemf incite plutôt à développer les hébergements territoriaux d'internes pour attirer vers les zones rurales et à développer de stages en ambulatoire ou dans les maisons de santé.
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