GRENOBLE, Lille, Paris, Strasbourg, Clermont-Ferrand, Montpellier. La liste des villes où les facultés de médecine ont créé des DU « Santé, solidarité, précarité » est vite dressée. Et encore, elle s’est allongée depuis une petite dizaine d’années. À l’origine de ces enseignements, des médecins au profil « militant » ont réussi à convaincre quelques doyens. À l’exemple du Dr Jeanine Rochefort, à Paris : médecin généraliste à orientation gynécologique retraitée, cette déléguée de Médecins du monde pour la région Ile-de-France, responsable du CASO (centre d’accueil, de soins et d’orientation MDM) 93, est la coordonnatrice pédagogique du DU de 3e cycle qu’elle a créé en 2007, dans le cadre du Laboratoire d’éthique médicale et de médecine légale du Pr Christian Hervé, à l’université Paris Descartes.
À raison de 130 heures de cours, l’enseignement est réparti sur six modules de deux jours : introduction à la santé publique, vulnérabilités particulières de populations ou d’âges spécifiques, liens entre santé précarité, errance, migration et habitat, pathologies en lien avec la pauvreté, mise en œuvre d’actions en faveur de la santé et mobilisation des acteurs dans la mise en œuvre des programmes. « Avec une dizaine d’intervenants spécialisés, ce découpage nous permet d’entrer dans les implications concrètes de diverses problématiques, selon une approche populationnelle, explique la coordonnatrice : soins aux Roms, aux personnes à la rue, psychologie des refoulés du droit d’asile, soins aux prisonniers. Nous travaillons aussi par pathologies (VIH-sida, handicap, pathologies bucco-dentaires...), ou par disciplines (sociologie, droits sociaux européens...).» Pour croiser leurs expertises, plusieurs associations et institutions se sont associées à MDM, telles la Croix-Rouge française, Emmaüs, le Samusocial de Paris, ou l’association Aurore.
Dynamiques locales.
Les mêmes orientations programmatiques et des partenariats semblables se retrouvent dans les quelques facultés qui ont mis en place ces DU. « Nous formons la petite famille des réseaux DU santé précarité,explique le Dr Vincent Faucherre, PH spécialisé VIH toxicologie au service de médecine interne du CHU de Montpellier, par ailleurs responsable de la mission Zimbabwe à MDM, coordinateur du DU montpelliérain. « Avec le Pr Alain le Quelec, notre référent universitaire, nous avons tout d’abord fait un copié-collé de la maquette mise au point en 2003 à la faculté de Grenoble. Les quelques universités qui ont mis en œuvre ce programme s’autonomisent d’année en année pour perfectionner les messages en lien avec les contextes ethnosociologiques, mais nous maintenons les liens entre nous, en particulier grâce à un site Internet où nous mettons en ligne les documents et les expériences de terrain, comme le cas de cet immigré somalien diabétique aux prises avec les services administratifs. »
« Chaque faculté s’efforce de cristalliser les dynamiques locales, à partir du socle que nous avons mis en place à Grenoble, en 2003 », constate le Dr Pierre Micheletti, enseignant à l’Institut d’études politiques et à la faculté de médecine de Grenoble, ex-président de MDM (2006-2009), qui pilote la délégation Rhône-Alpes de l’association. Avec le Pr Luc Barré, chef du service de médecine légale du CHU La Tronche (Isère), il a adossé le premier DU à son expérience militante, en obtenant l’adhésion des partenaires locaux : la ville, le conseil général, ainsi que les antennes de la Mutualité française et de la FNARS (Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale) : « Ensemble, nous nous efforçons de pallier la méconnaissance profonde des universitaires de médecine à l’égard des acteurs et des institutions, que ce soit dans la santé scolaire, les centres de santé, la PMI, les cadres sociaux territoriaux, ou l’accès à la santé des plus vulnérables. »
Urgence.
« Aujourd’hui, au sortir de leur formation, peu de jeunes professionnels de santé connaissent la notion d’ISS, s’inquiète le Dr Micheletti. C’est d’autant plus dommageable que l’on a rappelé dans le débat sur les retraites que la différence moyenne d’espérances de vie de la population française atteint 9 ans. Le chantier est urgent. Tant que l’on n’aura pas sensibilisé les futurs praticiens dans le cursus initial obligatoire, il ne faudra pas s’étonner que des débats autour de la liberté d’installation, ou des refus de soins restent inaudibles. »
Les quelques DU proposés pour cette rentrée jouent la carte de l’interdisciplinarité et sont ouverts aux médecins, internes, cadres hospitaliers et administratifs, psychologues et infirmières. « À Paris, l’an dernier, pas un étudiant ou un jeune médecin ne s’est inscrit, s’alarme le Dr Rochefort. C’est effrayant de constater l’absence d’intérêt des jeunes, qui rejoint le peu de motivation des doyens et des universitaires. » Cent-cinquante inscriptions sont attendues pour l’ensemble des DU précarité, parmi lesquelles moins du tiers concernent des médecins.
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