Comme tous les ans, avec l'hiver, les députés remettent le couvert sur les mesures coercitives pour s'attaquer aux déserts médicaux. En fin de semaine dernière, une proposition de loi cosignée par une cinquantaine d'élus centristes, prévoyant d'obliger les médecins à exercer trois ans après leur diplôme dans une zone sous-dotée, a déclenché l'émoi des structures jeunes.
Ce mercredi 24 novembre, rebelote : une autre proposition de loi émanant du groupe communiste doit être examinée par la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale. Elle prévoit, cette fois, d'instaurer un conventionnement sélectif (une installation pour un départ dans les dotes dites surdotées) et de rendre obligatoire le contrat d’engagement de service public (CESP, 1 200 euros par mois en contrepartie d'un exercice en zone sous-dotée pendant au moins deux ans).
Les auteurs de la proposition de loi veulent aussi revenir sur le contrat de début d’exercice, qui fusionne divers dispositifs d’aide à l’installation. Ils proposent à la place une contractualisation directe avec les agences régionales de santé (ARS) ouvrant droit à un financement public pour créer des centres de santé ou recruter des médecins salariés. « Les incitations seules ne peuvent résoudre et gérer la pénurie de médecins que nous devons affronter après l’application de près de quarante ans du numerus clausus, des mesures plus contraignantes doivent être envisagées, justifient les élus communistes. Le principe de liberté d’installation ne saurait être opposé à l’impérieuse nécessité de répondre aux besoins de santé de la population. »
Les jeunes déjà échaudés par le Sénat
Les sénateurs avaient déjà ouvert le bal en adoptant un amendement dans le cadre du budget de la Sécu pour 2022 qui aurait obligé les jeunes médecins à effectuer un remplacement de six mois dans une zone sous-dense avant de pouvoir être conventionné. Cette mesure, qui avait échaudé les jeunes, a déjà été supprimée par un contre-amendement du député LREM Thomas Mesnier en commission des affaires sociales.
L'@AssembleeNat sur proposition de @MESNIERThomas supprime l'obligation d'exercice en zone sous dense pour obtenir un conventionnement de la sécurité sociale. C'était une mesure inutile pour les patients et pénibles pour les jeunes médecins. Merci pic.twitter.com/CpgrAOJkff
— ISNI - InterSyndicale Nationale des Internes (@ISNItwit) November 21, 2021
Décriées par les syndicats d'étudiants, ces mesures ont aussi fait régir leurs aînés. « Il s’agit une nouvelle fois d’une mesure pénalisant l’exercice ambulatoire », a réagi MG France. Le syndicat met en garde contre les solutions de facilité et rappelle que la situation des médecins généralistes sur les territoires en voie de désertification est « peu enviable ». Sans soutien « matériel et humain », ces médecins ne peuvent « que refuser de prendre en charge l’afflux massif de patients, voire envisager changer de lieu d'exercice ».
« En Allemagne, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni, les médecins généralistes prennent en charge 2 000 à 3 000 patients, rappelle MG France. Pourtant les généralistes français ne sont ni moins courageux, ni moins efficaces que nos confrères européens, mais eux disposent de deux à trois équivalents temps plein pour les aider à prendre en charge leurs patients ». Une référence à l'assistant médical, dispositif en place depuis 2019 et en partie financé par la Cnam pour libérer le médecin des tâches non médicales. Depuis l'introduction de ce nouveau métier en 2019, 2 266 contrats ont été signés.
Mesures inefficaces et anxiogènes
Le Collège national des généralistes enseignants (CNGE) est également monté au créneau face à ces mesures coercitives « injustes et contre-productives ». « Le changement des règles régissant leur installation pour les rendre plus contraignantes est naturellement vécu comme inacceptable et source de souffrance par des étudiants », soutient le CNGE.
Pour le Collège, les mesures coercitives sont « inefficaces » dans un contexte où les zones sur-denses « n’existent pas en médecine générale ». Pis, elles conduiraient « irréfragablement à une aggravation de la situation en médecine générale » en détournant les étudiants de ce choix. « C’est en augmentant le nombre de stages ambulatoires et en accompagnant les projets professionnels des étudiants que nous augmenterons le nombre de médecins généralistes installés dans les territoires, pas en les contraignant ni en les détournant de cette spécialité », conclut le CNGE.
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