Après l’obtention d’un bac S en 2012, Marie, aujourd’hui âgée de 29 ans, voulait faire médecine à tout prix. Déterminée à poursuivre son rêve, l’étudiante travaille sans relâche sa Paces pendant deux ans. Lors de sa deuxième tentative, elle échoue, à huit places près, le concours d’entrée.
Dans l’objectif de bifurquer vers médecine plus tard, elle opte finalement pour pharmacie. En 4e année, elle tente une passerelle. « J’ai été refusée sans aucune explication », se remémore-t-elle, encore amère.
« Partir en Roumanie, la meilleure décision de ma vie »
Marie enchaîne les très bons résultats, sort major de sa promotion mais ne s’épanouit pas dans ses études. « J’étais malheureuse, j’avais toujours en tête la médecine. » Ayant épuisé toutes ses chances en France mais ne pouvant se résoudre à exercer un autre métier, elle décide – à contrecœur – de tenter sa chance à l’étranger dans la faculté de médecine de Iasi, en Roumanie. « J’avais quelques préjugés sur ces études, admet-elle. Mais je me suis dit que c’était mon unique chance. Je me suis retrouvée à 24 ans en première année de médecine dans un pays que je ne connaissais pratiquement pas. »
Aujourd’hui en 5e année, la Toulousaine n’a aucun regret. « Ça a été la meilleure décision de ma vie ! Je n'ai jamais été aussi épanouie que maintenant. Je serai éternellement reconnaissante envers la Roumanie ».
La France, plan B
À tel point que la jeune femme, qui espérait rentrer rapidement en France, n’exclut plus d’y rester pour son internat. « La Suisse est mon plan A et la France mon plan B. Mais je veux faire médecine nucléaire et je suis lucide sur le fait qu’en France, j’ai peu de chance d’obtenir une spécialité en haut de classement, notamment parce qu’on ne nous donne pas l’accès à la plateforme de révision du concours (l’Uness). » Entre se former à une spécialité qu’elle n’a pas choisie en France et faire médecine nucléaire en Roumanie, son choix est vite fait. « Je préfère rester là où je suis ! »
« En arrivant ici, nous étions nombreux à vouloir absolument rentrer en France pour l’internat. Mais plus les années passent, plus on se rend compte que ce n’est peut-être pas l’eldorado. Dans ma promo, les personnes qui souhaitent rentrer se comptent sur les doigts de la main », souligne-t-elle.
En 2021, Yassin*, 30 ans, fait le trajet retour après avoir passé six ans en Roumanie, à l’université de Cluj-Napoca. « À l’issue des ECN, j’ai eu une place en gériatrie dans le sud de la France. C’était pendant le Covid, j’étais un peu dans le flou sur ce que je voulais vraiment faire, j’ai donc accepté. » Rapidement, l’interne se rend compte que cette voie ne lui correspond pas. « Je bossais soixante heures par semaine pour une spé qui ne me plaisait pas plus que ça… »
Les Émirats, l’autre eldorado
Après un an en France, il décide de retourner en Roumanie, cette fois-ci à Bucarest, pour se spécialiser en ophtalmologie, un domaine qui lui correspond davantage. Depuis le début du mois, Yassin est en stage à Monaco pour une durée de six mois dans le cadre de son internat. Par la suite, il envisage de réaliser d'autres stages en Suisse ou en Allemagne. « Là-bas, les internes sont considérés comme de vrais docteurs, ils sont respectés et mieux rémunérés qu'en France », affirme l’interne, qui perçoit de plus en plus les avantages d’une expatriation, « pourquoi pas aux Émirats arabes unis », une fois son diplôme en poche. « Une fois qu’on a franchi le cap, c’est plus facile de repartir, on connaît bien toutes les procédures, ça devient fluide ! »
Si de nombreux étudiants trouvent des avantages à cette vie d’expatrié, certains n’attendent qu’une seule chose : regagner leurs pénates. Ce qui est loin d’être simple. C’est le cas de Pierre*, 32 ans, en 6e année de médecine après avoir repris ses études en 2018 à Iasi. « Je suis venu ici par vocation et dans un but très précis, celui de devenir médecin de campagne », explique-t-il.
Séparé de sa femme et de son enfant restés en France, Pierre multiplie les allers-retours en espérant ne plus avoir à le faire d’ici peu. « J’ai réussi la première étape du concours d’accès à l’internat en décrochant la note de 14/20 aux rattrapages. Ça fait trois ans que je bosse non-stop le concours, ça a été des mois de stress et d’angoisse car on ne connaissait pas les modalités d’examen. Il me reste à passer les Ecos (examens cliniques objectifs structurés) mais je suis mentalement épuisé par des démarches administratives très laborieuses. La France ne fait rien pour faciliter notre retour. » Dans sa promotion, seuls trois étudiants, dont lui, ont obtenu la note requise de 14/20 (aux connaissances de rang A) pour avoir le droit de passer les Ecos en mai et avoir ainsi une chance d'obtenir un poste d'interne en France. Rentrer ou rester ? Faire ce choix n’est pas toujours aisé.
*Les prénoms ont été modifiés
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