Dans la saga sur le conventionnement sélectif, les épisodes se suivent et se ressemblent. L’idée de limiter la liberté d’installation des jeunes médecins s’est de nouveau imposée lors des débats à l’Assemblée et au Sénat autour du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2018. Le conventionnement sélectif a fait l’objet de plusieurs amendements, soumis par des parlementaires de droite comme de gauche.
L’un deux, inédit, vise à expérimenter le conventionnement sélectif pendant trois ans dans les zones en tension, afin d’en évaluer l’efficacité. Il émane de députés du groupe Nouvelle Gauche. L’installation d’un médecin en zone sur-dense serait alors limitée « au cas où un médecin libéral cesserait son activité ». Tous les amendements contre la liberté d’installation ont été rejetés cette fois encore, mais la récurrence de la proposition est la preuve que cette solution trotte toujours dans la tête des parlementaires.
Les amendements contre la liberté d’installation ont été rejetés cette fois encore, mais l’idée trotte toujours dans la tête des parlementaires.
Des parlementaires ne veulent plus parlementer
Au Palais du Luxembourg, un généraliste, le Dr Daniel Chasseing (LR, Corrèze), a remis l’idée sur le tapis en interpellant le ministre de la Cohésion des territoires Jacques Mézard : « L’absence de médecins condamne les territoires ruraux à la désertification, malgré les maisons de santé. Il faudrait envisager un non-conventionnement des médecins qui s’installent dans les zones hyperdenses et augmenter le numerus clausus », clame-t-il. Ce n’est pas la première fois que des sénateurs sont amenés à se positionner sur la liberté d’installation. En juillet dernier, dans un rapport sur l’accès aux soins, Jean-Noël Cardoux (LR, Loiret) et Yves Daudigny (PS, Aisne) se disaient « sceptiques quant à l’opportunité et l’efficacité d’une telle mesure de régulation pour répondre au défi des zones médicalement sous-dotées », la qualifiant même de « contre-productive » au vu de « l’hostilité de la profession ».
Le conventionnement sélectif est un serpent de mer. Le député d’Eure-et-Loire et pharmacien Philippe Vigier (UDI), son fervent défenseur, avait déposé une proposition de loi l’an dernier, finalement rejetée. Autre partisan, le sénateur centriste Hervé Maurey est également plusieurs fois monté au créneau pour réclamer l’encadrement de la liberté d’installation. Le conventionnement sélectif avait été écarté in extremis l’an dernier en séance plénière après avoir été adopté, à la surprise générale, en commission des affaires sociales à l’Assemblée. Le couperet n’est pas passé loin et les médecins généralistes perçoivent la menace. L’un d’eux, le Dr Marc Blondeau (Sotteville-les-Rouen, Seine-Maritime) confiait déjà son inquiétude sur legeneraliste.fr lors du précédent PLFSS : « Il faut comprendre que certains politiciens souhaitent trouver des solutions face à des jeunes médecins qui veulent tout sans contrainte.
Attention, des lois vont nous tomber dessus car on n’a pas été capable de se bouger », prévenait-il.
Solution d’urgence
Les généralistes ne sont pourtant pas tous opposés à une limitation de la liberté d’installation. « Il faut que nous prenions nos responsabilités, réagit le Dr Philippe Bonelle, installé à Doullens (Somme). Nous devons vraiment réfléchir à une répartition des ressources dans une dynamique régionale. »
Le Dr Didier Franzetti, généraliste à Saint-Hilaire-de-Brethmas près de Nîmes (Gard), va aussi en ce sens : « C’est le seul moyen de sauver notre système de soins ! Les patients ne trouvent plus de médecin traitant et cette pénurie a commencé à tuer les gens par manque de soins et retard de diagnostic », alerte-t-il. Ce discours est pourtant encore difficile à entendre chez les jeunes généralistes, à l’unisson contre l’atteinte à la liberté d’installation. Les syndicats se sont d’ailleurs félicités de l’absence de mesures coercitives dans le récent plan de lutte contre les déserts médicaux présenté par Agnès Buzyn et le Premier ministre.
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