« Les chaînes de télé ont pour habitude de faire intervenir des experts. Au début, lorsque nous étions face à l’inconnu, inviter les médecins était une façon de réduire l’incertitude par rapport à ce qu’on savait de l’épidémie. C’était peut-être aussi une façon de lutter contre l’« infodémie » – les fake news. C’était également une façon d’avoir une parole d’autorité qui défendait la notion de gestes barrières.
Alors qu’on ne parlait que d’« aplatir la courbe », les médecins sont venus à la rescousse d’une visualisation statistique qui n’était pas très claire pour les gens. Cela a permis d’avoir une direction politique claire : on se confine parce qu’il faut aplatir cette courbe. C’était un message très rationnel, qui a été transmis avec des messages pas médicaux du tout, sans formules ni mots compliqués.
Dans un contexte d’« infodémie », la présence des médecins sur les plateaux
a pu montrer comment fonctionnait la recherche médicale, avec des tests,
des contrôles, des publications dans les revues spécialisées. Mais aussi qu’on progressait en médecine aussi par contradiction, avec des controverses. Le côté expérimental de la médecine a été assez bien mis en avant par certains médias.
C’est toujours risqué d’aller sur un plateau car les éditorialistes ont leur idée de ce qu’ils veulent vous faire dire et il est difficile de les faire changer d’avis. Des médecins pourraient donc bénéficier d’une sorte de « media training » pour s’exprimer plus facilement. Mais en même temps, ceux qui le font maladroitement sont aussi perçus comme plus authentiques par le public. Cela peut créer plus de confiance. »
Divina Frau-Meigs est normalienne et professeure à l’université Sorbonne Nouvelle.
Elle est titulaire de la chaire Unesco « Savoir-devenir à l’ère du développement numérique durable » et présidente de l’ONG Savoir-Devenir.
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