Quel est le problème avec la visite à domicile ?
Dr Jacques Battistoni : Clairement, le différentiel de 10 euros avec la consultation au cabinet (35 et 25 euros, ndlr) ne prend pas en compte le temps nécessaire, et je ne parle même pas de la complexité de l’acte, pour une visite. Ni le temps de coordination avec d’autres professionnels de santé. Aujourd’hui, faire de la visite, c’est se pénaliser soi-même. C’est pour cela que les médecins ont du mal à y recourir et que les jeunes hésitent à en faire. Il y a un vrai souci. Il faut revaloriser la visite et la remettre à un niveau qui redevienne incitatif.
La Cnam s’est justement dite prête à revaloriser la visite : quel serait le bon niveau ?
Dr J. B. : Il faut probablement réfléchir en termes de rémunération horaire. Si on considère qu’aujourd’hui une heure standard de médecin vaut 100 euros – ce qui paraît être le minimum –, il faut que le temps passé en visite soit rémunéré à ce taux.
Votre syndicat défend de longue date l’élargissement du périmètre de la visite longue…
Dr J. B. : Effectivement, cela fait des années qu’on essaie d’élargir son périmètre. On le fait à une lenteur de tortue. À cette vitesse-là, pour que toutes les visites soient des VL, ce qui est notre objectif in fine, il reste encore un siècle de négociations. Je rappelle que sur 20 millions de visites par an, seules 240 000 sont cotées VL. Si on continue à faire la politique des petits pas, on n’est pas rendus. Avec la négociation actuelle, on risque de passer seulement à 300 000 VL par an : le compte n’y sera pas. La visite classique doit donc également être revalorisée.
Y a-t-il une différence entre les patients vus en visite longue et ceux vus en visite traditionnelle ?
Dr J. B. : Ce sont les mêmes patients. Ce sont des handicapés, des personnes âgées, dépendantes, des insuffisants cardiaques ou respiratoires, des malades d’Alzheimer, des personnes qui ont des plaies chroniques… La liste est longue. Nous ne nous déplaçons qu’extrêmement rarement pour des visites de « confort ».
Cette distinction n’a donc plus vraiment lieu d’être…
Dr J. B. : Nous faisons un distinguo seulement car nous n’avons pas assez d’argent pour valoriser toutes les visites, alors nous essayons de trouver des priorités parmi les priorités. Cette politique est menée depuis plusieurs années mais ça n’avance pas. Il faut accélérer, sinon on ne fera plus de visites du tout ! Je vous rappelle que ceux qui ont vraiment besoin de ces visites et de leur revalorisation, ce sont les patients ! Pas les médecins, qui ont assez à faire. Il faut savoir ce que l’on veut. Si on souhaite que les médecins effectuent de nouveau des visites, il faut les valoriser pour qu’elles deviennent aussi attractives que de rester dans son cabinet.
Le tarif est-il le seul levier à actionner pour relancer la visite ?
Dr J. B. : Nous verrons s’il en reste d’autres quand nous aurons revalorisé la visite, mais je ne le pense pas. Il y a, certes, une question d’organisation. Si vous n’avez pas de temps libre du tout, cela peut coincer. Mais si la visite est correctement revalorisée, vous allez peut-être vous dire que, finalement, vous pouvez y consacrer une demi-journée par semaine.
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