Déjà adoptée – et retricotée – en commission des affaires sociales du Sénat, la proposition de loi Valletoux visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial arrive ce mardi en séance publique au Sénat (pour examen jusqu'à vendredi). Le débat promet d'être électrique, au rythme des initiatives parlementaires plus ou moins musclées sur tous les sujets sensibles (gardes, liberté d'installation, réorganisation territoriale). Sur les 200 amendements déposés, certains risquent de raviver la colère de la profession.
En commission des affaires sociales, les sénateurs avaient clairement choisi la voie de l'apaisement avec les médecins libéraux en supprimant plusieurs « irritants » dont l'adhésion automatique aux communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), qui vont mailler l'ensemble de l'Hexagone. Mais le sénateur de la Corrèze, Daniel Chasseing (Les Indépendants - République et Territoires) persiste et signe. L'élu lui-même médecin veut rétablir cette adhésion directe avec d'autres membres de son groupe. « Le rattachement automatique donnera aux CPTS plus d’efficacité et garantira davantage de coopération entre les soignants », peut-on lire dans l'exposé des motifs.
Des installations encadrées ?
Les déserts médicaux sont un sujet de préoccupation majeur et le débat va rebondir une nouvelle fois avec des amendements de coercition. Plusieurs sénateurs veulent en effet profiter de ce véhicule législatif pour instaurer une forme de régulation des installations en libéral, véritable serpent de mer.
Même si un tel tour de vis ne figure pas dans le texte initial, le groupe socialiste, écologiste et républicain, mais aussi des sénateurs centristes, ont déposé divers amendements visant à étendre aux praticiens libéraux le principe du conventionnement sélectif dans les secteurs déjà bien pourvus (installation conditionnée à un départ). Ainsi, dans les zones déterminées par l'ARS « dans lesquelles il est constaté un fort excédent en matière d'offre de soins », le conventionnement à l’Assurance-maladie d’un médecin libéral « ne peut intervenir qu’en concomitance avec la cessation d’activité libérale d’un médecin exerçant dans la même zone », suggère un amendement communiste et écologiste. La rapporteure Corinne Imbert (apparentée LR) devrait s'opposer à toutes ces initiatives d'encadrement, jugeant cette voie contre-productive et craignant des départs massifs.
PDS : entre volontariat et rééquilibrage, compromis délicat
Autre pomme de discorde : l'évolution de la permanence des soins en établissement de santé (PDS-ES) et surtout la sollicitation des cliniques (et de leurs praticiens) par les agences régionales de santé (ARS) pour s'y impliquer. A ce stade, le gouvernement est partisan d'un « rééquilibrage » entre public et privé, en premier lieu sur la base du volontariat, avec une désignation d'autorité seulement en dernier recours en cas de carence territoriale. Mais qu'en sera-t-il demain à l'issue du vote ?
Plusieurs amendements de divers groupes (écologiste, communiste, Les Indépendants, etc.) proposent basiquement de rendre obligatoire la permanence des soins pour l'ensemble des médecins libéraux. Ils disent s'inspirer des travaux du groupe transpartisan contre les déserts médicaux piloté par le député socialiste de la Mayenne, Guillaume Garot. « Le volontariat n’est plus suffisant pour répondre à la demande de permanence des soins sur le territoire, cela est particulièrement avéré dans les déserts médicaux », justifient des élus socialistes – soulignant qu'à peine 40 % des généralistes ont réalisé au moins une garde en 2020.
Déjà écartés en commission des affaires sociales, les amendements coercitifs devraient subir le même sort en séance. En relançant les négociations conventionnelles avec les médecins libéraux, Aurélien Rousseau s'est engagé à ce que les discussions autour du PLFSS comme d'autres textes législatifs (loi Valletoux, donc) n'affectent pas la procédure conventionnelle « qui doit être claire, respectueuse et apaisée ». Une promesse qui n'empêchera pas la profession d'être extrêmement vigilante pendant trois jours…
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