Pierre Mauger est devenu médecin suite à une « erreur de parcours ». Après une scolarité « compliquée », il décroche un bac électrotechnique et s’oriente sur un BTS spécialisé en maintenance des automatismes industriels. Si la « gymnastique intellectuelle » lui plaît, l’environnement « moins sympa » le conduit en 1993 à rejoindre des copains en fac de médecine à Paris. Les sept années se déroulent au mieux, il passe sa thèse en 2003 et commence sa carrière d’urgentiste au Samu 78. « J’ai toujours eu une appétence pour l’engagement technique, intellectuel et… physique », explique-t-il. Car Pierre Mauger a une autre grande passion : le sport. Après une carrière de rugbyman amateur dans les Yvelines, dont il est originaire, il intègre en 2005 le staff du Stade français Paris, se forme à la médecine du sport et devient responsable médical du centre de formation. Il accepte parallèlement de suivre les handballeuses du club Paris 92.
En 2005, l’urgentiste s’éloigne de Paris, tenté par un nouveau challenge : rejoindre, avec là encore quelques copains parisiens, le Samu de l’Eure, alors en déshérence en termes de ressources humaines. Huit ans plus tard, il est le directeur médical adjoint de la structure et… rentre en région parisienne. « Nous étions allés au bout de nos projets, nous avions déménagé l’hôpital… Il était temps de partir pour continuer à grandir », se souvient-il. En janvier 2014, il est nommé chef de service du Smur de Melun. Deux ans plus tard, il relève un nouveau défi – sportif – en assurant la coordination médicale de l’Euro de football.
Les JO en ligne de mire
Le 13 septembre 2017 est pour Pierre Mauger une date marquante : la candidature de Paris est retenue pour l’organisation de la 33e Olympiade. La perspective le fait rêver et le conduit presque immédiatement à s’abonner aux alertes RH sur la plateforme Paris 2024. Mais les annonces tardent…
Début 2020, alors que le Covid mobilise toute son énergie, il reçoit un appel du comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques – son CV a été repéré par un chasseur de têtes – et devient responsable des services médicaux Paris 2024 en novembre de la même année. Un poste « à part ».
Toute l’organisation des ressources matérielles et humaines était à réinventer
Pierre Mauger
« Bien sûr, il faut de l’agilité et une grande capacité d’adaptation ; mais les JO, c’est un peu comme l’organisation d’un Euro de foot et de vingt championnats du monde… en Île-de-France. Toute l’organisation des ressources matérielles et humaines était à réinventer. Construire une “machine de guerre” pour deux mois nous a, par exemple, imposé de raisonner sur du prêt, de la location, de la mise à disposition. » Quelques jours après la pré-ouverture du village olympique le 12 juillet, tout est prêt… ou presque. « Nous distribuons les derniers kits aux infirmeries de chaque site et finalisons les listes de garde », souligne-t-il.
L’équipe qu’il coordonne compte une trentaine de personnes au siège, 45 médecins du sport référents par discipline et 2 000 professionnels de santé volontaires, auxquels s’ajoutent des prestataires supports en charge principalement de l’organisation du dispositif médico-secouriste.
Fédérer et convaincre
Avant de « vivre les Jeux », ce qui rend le Dr Pierre Mauger heureux est d’avoir réussi à fédérer : « L’équipe était très hétérogène au départ. Aujourd’hui, professionnels et non professionnels de santé évoluent en parfaite complémentarité. Et après la rédaction d’une matrice de responsabilités contractuelles validée par la délégation interministérielle aux Jeux olympiques, secouristes et médecins travaillent parfaitement bien ensemble. Nous avons aussi reçu beaucoup d’appui de la part des pouvoirs publics ».
La création d’une Polyclinique olympique et paralympique a même conduit le Dr Pierre Mauger devant le Parlement pour l’adoption de la loi du 19 mai 2023. « Imaginer un tel dispositif paraissait impossible mais nous avons pu constater un formidable engagement des députés. »
Il y eut aussi, bien sûr, des difficultés qui ont nécessité de longues, voire de très longues négociations. Concilier les réglementations nationales pour la sécurité des spectateurs, les recommandations des fédérations internationales pour le bien-être des athlètes et le cahier des charges du Comité international olympique fut parfois compliqué. « Contrairement aux Anglo-Saxons, notre premier critère qualité n’est pas la réduction du temps entre le moment où l’athlète tombe et celui où l’ambulance démarre. Notre priorité est de stabiliser le blessé et de bien l’orienter. Trouver un compromis a nécessité de longues discussions », illustre le Dr Pierre Mauger. Au-delà de ces multiples rigidités, le responsable des services médicaux Paris 2024 reconnaît aussi que nous arrivons « à nos limites capacitaires en termes de professionnels de santé. La recherche de certains profils est déjà critique en temps normal, alors là… Chaque ligne de garde est une négociation ».
Mais en ce 15 juillet, c’est surtout le bonheur qui se lit sur son visage. À quelques jours de concrétiser un « rêve de gosse », il mesure sans doute, à force de le relater en toute humilité, tout le chemin parcouru.
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