La discussion sur la permanence des soins en établissements (PDS-ES) dans la proposition de loi Valletoux ? « Un peu acrobatique ! », a volontiers reconnu mercredi 26 octobre Aurélien Rousseau, un peu gêné lors de l'examen du texte au Sénat.
Cet article du texte du député Horizons a donné des sueurs froides au ministre de la Santé, obligé de ménager la chèvre, le chou et les médecins libéraux. Car ce sujet ultra sensible tombe au mauvais moment. Selon un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales, la prise en charge des patients la nuit ou les week-ends est majoritairement assurée par le public : 82 % des gardes (87 % avec les établissements privés non lucratifs) et 13 % pour le privé. Avec pour conséquence l'abandon des praticiens de l’hôpital public pour échapper à ces contraintes.
Or, engagés dans les négociations conventionnelles, les syndicats de médecins libéraux ont fait de l'obligation de la permanence des soins pour les médecins des cliniques un casus belli. « La participation de praticiens libéraux à des lignes de PDS-ES à l’hôpital ne peut se faire que sur la base du volontariat et avec une attractivité suffisante », ont prévenu les spécialistes de la CSMF en amont de l'examen du texte de loi, histoire de maintenir la pression sur le ministre.
Devant les sénateurs, Aurélien Rousseau a marché sur un fil : « La PDS-ES est un sujet de crispation au sein des négociations conventionnelles avec les médecins », a-t-il confessé. « Il y va de l'attractivité du métier. J'ai souhaité mener les discussions de front, pour répondre aux craintes des médecins et éviter que la loi ne rompe l'équilibre trouvé par la négociation conventionnelle », a-t-il poursuivi.
Gradation du processus
En pleine séance, l'ancien directeur de cabinet d'Élisabeth Borne à Matignon a donc déposé des amendements pour clarifier sa position. Sera pris en compte le principe de « gradation du processus » « avec une responsabilité des établissements avant celle de leurs praticiens », un concept déjà proposé par la commission des affaires sociales du Sénat. En clair, le directeur général de l'ARS est responsable de l'organisation de la PDS-ES mais ce n'est qu'en cas de carence qu'« il réunit les établissements et arrête si besoin de manière contraignante le schéma régional de la PDS-ES », a précisé le ministre. « Il y a bien une portée contraignante sur les professionnels et les établissements », a-t-il insisté... Tout en assurant aux médecins qu'ils pourront exercer dans un autre établissement que le leur uniquement sur la base du volontariat. « Si le médecin veut le faire en dehors de son établissement, il peut le faire dans les conditions de sécurité et d'assurance nécessaires », a-t-il ajouté, sans trop se mouiller.
Cette réécriture de l'un des articles phares de la loi Valletoux n'a pas convaincu le groupe socialiste, favorable à davantage de contraintes. « Je ne vois pas trop où est le progrès », a réagi la sénatrice Émilienne Poumirol. « On laisse faire les établissements. Résultat : 13 % des urgences sont accueillies dans le secteur privé. Les urgentistes fuient l'hôpital pour les centres de soins non programmés, où ils ne travaillent pas la nuit tout en étant mieux payés. Il serait plus simple d'organiser la PDS au niveau de l'ARS », a-t-elle déploré.
Le Sénat a adopté sans grand enthousiasme par 235 voix pour (80 contre), la proposition de loi Valletoux. Parmi les propositions rejetées, on retrouve l'adhésion automatique des soignants aux communautés professionnelles de santé (CPTS), la régulation à l'installation en zone sous dotée et l’obligation de pourvoir tous les terrains de stage en zone sous-dotée pour la quatrième année d’internat de médecine générale.
Pour libérer du temps médical, le certificat médical pour enfant malade est supprimé et remplacé par une attestation sur l'honneur. Idem pour les certificats sportifs pour les majeurs, remplacés par un questionnaire simplifié de dépistage pouvant amener à une consultation médicale.
L’intérim médical a fait l'objet d'un encadrement plus sévère en début de carrière. Pour lutter contre le « nomadisme des professionnels de santé », les sénateurs ont limité « à une fois tous les dix ans » l’octroi de certaines aides à l’installation et d’exonérations fiscales au bénéfice des médecins. Ils ont aussi généralisé l'expérimentation de la signature des certificats de décès par des infirmiers.
Pour améliorer l'accès aux soins dans les déserts médicaux, les sénateurs ont validé la création de la fonction d’infirmier référent pour les patients souffrant d’affection de longue durée. Ils ont facilité l'exercice en ambulatoire des médecins diplômés en dehors de l'Union européenne (les Padhue). Enfin, ils ont instauré une option santé dans les lycées dans l’espoir de créer des vocations.
Autre disposition importante saluée par les hospitaliers : la revalorisation de la retraite des hospitalo-universitaires.
Engagée dans une procédure accélérée, la PPL Valletoux ainsi validée au Sénat doit encore faire l’objet d’une commission mixte paritaire avec les députés, dans le but de dégager une version commune.
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