Après une recrudescence des sinistres déclarés par les confrères en 2021, le nombre global de déclarations a baissé en 2022 : 4 075 contre 4 289 en 2021, soit une chute de plus 5 %, selon le bilan annuel du risque médical établi par la MACSF-Sou Médical.
Le taux de sinistralité – qui mesure la fréquence du nombre de déclarations pour 100 sociétaires – diminue légèrement pour s'établir à 0,76 %, contre 0,83 % un an plus tôt.
Pour les seuls médecins, plus exposés, le taux de sinistralité s’établit à 1,17 % en 2022, soit à peine moins que l'année précédente (1,23 % en 2021) mais bien en-deçà du taux d'avant la crise sanitaire (1,53 % en 2019). Ceux-ci concentrent près de la moitié des déclarations corporelles reçues, alors qu’ils représentent seulement 30 % du portefeuille total des assurés en RCP de la MACSF (168 148 médecins assurés).
Les chirurgiens les plus exposés
En valeur absolue, ce sont, cette année encore, les généralistes qui déclarent le plus grand nombre de sinistres (363), devant les chirurgiens orthopédistes (267) et les ophtalmologues (186).
Mais le niveau de risque diffère en réalité très fortement en fonction des spécialités. Pour les médecins généralistes libéraux, le taux de sinistralité s’établit à seulement 0,87 %, contre 5,21 % pour les ophtalmologistes libéraux et… 41,62 % pour les chirurgiens orthopédistes et traumatologiques libéraux. Ce dernier chiffre est néanmoins en baisse par rapport à 2021 (48 %).
En un an, la chirurgie viscérale et digestive est devenue la spécialité la plus à risque de dommage corporel, avec une sinistralité de 74 %. Elle devance la neurochirurgie (69,17 % en 2022), devant la chirurgie orthopédique et traumatologique (41,62 % en 2022).
Davantage de décisions de justice, les médecins en première ligne
Le nombre global de décisions de justice civiles et pénales progresse (+4 %) avec 426 décisions rendues (413 au civil et 13 au pénal) en 2022, contre 409 en 2021. La MACSF précise que ces décisions ont mis en cause une majorité de médecins (à 64 %). Ces décisions ont mis en cause 771 professionnels de santé et établissements de soins (749 au civil, 22 au pénal).
Dans le détail, les avis rendus par les commissions de conciliation et d'indemnisation (CCI) restent plus nombreux que les décisions de justice, comme c’est le cas depuis une dizaine d’années. Cette procédure d’indemnisation est souvent préférée par les patients « en raison de son caractère amiable, rapide et gratuit », souligne la MACSF. Pour autant, le volume des avis CCI est en baisse de 10 % par rapport à 2021 (493 avis CCI contre 549 en 2021), qui était une année de rattrapage post-covid.
Sévérité accrue des magistrats
L'assureur souligne que les décisions civiles sont marquées par la « sévérité » des magistrats. En effet, dans 72 % des cas (sur 413 poursuites), elles donnent lieu à une condamnation d’un professionnel de santé mis en cause, soit une hausse de 5 points sur un an. Cette évolution est jugée « préoccupante » par Nicolas Gombault, directeur général délégué de la MACSF, qui rappelle que le chiffre se situait « entre 30 et 35 % » dans les années 80. Une sévérité qui marque la « traduction des exigences sociétales au travers de la jurisprudence », notamment parce que « beaucoup plus d’obligations pèsent sur les professionnels de santé et les établissements dans lesquels ils exercent », analyse-t-il.
Le top 3 des spécialités pour lesquelles les praticiens subissent le plus grand nombre de poursuites reste inchangé là aussi : il regroupe les chirurgiens (notamment en orthopédie et en neurochirurgie), les médecins généralistes et les anesthésistes-réanimateurs.
Jusqu'à huit ans ferme au pénal
Si les décisions pénales restent rares, voire exceptionnelles, elles sont particulièrement sévères. En 2022, les magistrats ont prononcé une condamnation effective dans la grande majorité des cas : 10 condamnations sur 13 décisions pénales. Quant aux sanctions prononcées, ce sont presque toutes des peines d’emprisonnement allant de 6 mois avec sursis à 8 ans ferme, précise la MACSF.
Une affaire récente a retenu l'attention. Mis en cause pour « violences ayant entraîné des mutilations », deux chirurgiens-dentistes exerçant dans un cabinet libéral ont écopé de « peines cumulatives d’une grande sévérité ». Soit, respectivement, un emprisonnement ferme de 8 et 5 ans et une interdiction définitive d’exercer.
7,3 millions, l'indemnisation la plus lourde
Une fois n’est pas coutume, l’indemnisation la plus élevée (7,3 millions d’euros) versée en 2022 a impliqué un généraliste. Cela confirme que l’intensité du risque peut être « extrême » en médecine générale comme en neurochirurgie et en chirurgie, insiste Nicolas Gombault. Cette affaire a mis du temps à se solder sur le plan judiciaire. En charge du suivi de la grossesse d’une femme de 39 ans, le praticien n’a prescrit aucune amniocentèse. Né en 1996, l’enfant était atteint de trisomie 21. Les faits étant antérieurs à la loi du 4 mars 2002 (relative aux droits des malades), le principe de « l’indemnisation intégrale du préjudice résultant du handicap » a été retenu. La plus grande partie est constituée des frais de tierce personne.
Une autre affaire a concerné un pédiatre (4,3 millions d’euros d’indemnisation). Cette fois, c’est la prise en charge inadaptée d’une infection néonatale qui a été à l’origine de « graves séquelles ».
Au total, les indemnisations allouées par les juridictions civiles en 2022 atteignent 46,3 millions d’euros, soit 6 % de moins qu’en 2021, alors même que le nombre de décisions civiles a augmenté de 4 %.
Les 10 plus fortes indemnisations ont concerné majoritairement des gynécologues obstétriciens, des généralistes et des chirurgiens.
Des chiffres qu’il convient de relativiser, puisque les indemnités au civil sont en forte hausse depuis quelques années. « Nous voyons une augmentation des indemnités à plus d’un million d’euros : 11 en 2021, contre 5 en 2020 », soulignait l’année dernière Nicolas Gombault, lors d’une conférence de presse.
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