C’est ce qui s’appelle avoir le sens du timing. Deux jours à peine après la promesse du nouveau Premier ministre, Sébastien Lecornu, de faire de l’accès aux soins une « grande priorité nationale » en finançant d’ici à 2027 un réseau de 5 000 maisons « France Santé », des députés allant de La France insoumise (LFI) aux Républicains (LR), en passant par les socialistes et les centristes, ont appelé le gouvernement à s’attaquer à la sacro-sainte liberté d’installation des médecins.
Comment ? En inscrivant sans délai à l’ordre du jour du Sénat la proposition de loi transpartisane du député socialiste Guillaume Garot, déjà votée en mai à l’Assemblée nationale, afin que ce texte puisse être adopté « au plus vite, d’ici à la fin de l’année ». Un texte urticant pour la profession qui prévoit, entre autres, la régulation à l’installation en zone surdotée et le rétablissement de l’obligation de permanence des soins.
II est nécessaire de mieux répartir les forces médicales à l’échelle nationale
Guillaume Garot, député socialiste
Avec neuf millions de Français vivant dans une zone de grande fragilité médicale et plus de six millions de patients sans médecin traitant, « nous avons un devoir de résultat », a martelé Guillaume Garot, à l’origine de ce groupe transpartisan qui s’est réuni lundi 15 septembre à Laval pour sa première « journée parlementaire », en présence notamment de l’ancienne ministre Roselyne Bachelot.
La PPL Garot avait été cosignée par plus de 250 députés issus de 9 groupes parlementaires et adoptée en mai dernier par l’Assemblée contre l’avis du gouvernement sortant. « II est nécessaire de mieux répartir les forces médicales à l’échelle nationale, qu’il s’agisse des généralistes, des spécialistes ou de professionnels salariés », a répété le tenace député Garot face à la presse, lundi soir, entouré de ce collectif droite/gauche, au moment de lancer cet appel « solennel ».
L’idée directrice reste d’« encadrer » la liberté d’installation. Avant de s'installer, les médecins libéraux ou salariés devraient solliciter l'aval de l’agence régionale de santé (ARS). Ce feu vert serait accordé de droit dans les zones en tension mais, dans les territoires mieux pourvus, le nouveau médecin ne pourrait s'installer que lorsqu'un confrère de la même zone s'en va. Sans ce cadre, « aucune réforme ne permettra réellement de répondre aux attentes des territoires sous-dotés », a plaidé Guillaume Garot.
Les maisons « France Santé », un risque déceptif
Quant au futur réseau de maisons « France Santé », qui vise à permettre à chaque Français de consulter un médecin à moins de 30 minutes, « tout reste flou », a taclé le député Garot. « La question n’est pas de savoir si c’est une bonne idée, mais comment on garantit cette promesse et comment on la rend effective », a recadré l’élu mayennais. À ses côtés, le député David Taupiac (Liot, Gers) a expliqué « ne pas voir très bien comment la construction d’une maison permet de faire pousser des praticiens sur le territoire ».
L’élu LFI de Haute-Garonne, Hadrien Clouet, n’y voyait pas très clair, lui non plus, au sujet du réseau France Santé que Matignon veut bâtir en 18 mois. « Quel type de guichet sera mis en place ? Quelle sera la nature des soins proposés ? Et surtout, comment l’ouverture de ces maisons permettra-t-elle d’attirer durablement des médecins dans les zones concernées ? »
Pour ce groupe transpartisan, l’idée du Premier ministre n’est pas à rejeter par principe mais elle risque de ne pas être à la hauteur des enjeux si elle consiste simplement à recycler l’existant. « Si cette annonce ne se traduit pas concrètement et rapidement, ce sera un effet déceptif terrible, qui nourrira la défiance envers la parole publique », a résumé Guillaume Garot, qui attend déjà une clarification sur le budget et les missions de ce réseau.
L’appel du groupe transpartisan à s’attaquer à la liberté d’installation sera-t-il entendu ? Selon les règles en vigueur, c’est l’exécutif ou un groupe politique – lors d’une niche parlementaire – qui a la possibilité d’inscrire la proposition de loi.
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