Votre rapport permet-il de conclure à la supériorité des structures pluridisciplinaires par rapport à l’exercice isolé de la médecine ?
Julien Mousquès J’apporterai quelques nuances. À commencer par rappeler que notre échantillon incluait les maisons, pôles et centres inclus dans les deux premières vagues d’ENMR. Et au sein même de cet ensemble de plus de 300 structures engagées dans les ENMR, on ne s’est intéressé qu’à un sous-ensemble. Autre nuance : la politique de mise en place des ENMR dispose d’un certain nombre de critères d’inclusion. Pour prétendre y participer, les structures sont volontaires et doivent remplir un cahier des charges défini par la Direction de la Sécu. Les ARS choisissent ensuite les structures. On est donc dans une politique sélective, avec un processus d’accompagnement. Donc dire que ces structures-là sont différentes, objectivement, sur les dimensions évoquées de l’exercice isolé, oui, c’est le résultat de l’étude. Mais on ne peut pas affirmer que l’exercice en maisons, pôles ou centres de santé, dans l’absolu, sera toujours bénéfique sur les dimensions évoquées puisqu’on est sur un échantillon particulier, dans le cadre d’une politique particulière.
L’implantation des structures pluriprofessionnelles va-t-elle, à votre avis se poursuivre ?
J. M. Aujourd’hui, ces structures sont le plus souvent implantées dans des zones de déséquilibre entre l’offre et la demande de soins, qui ne sont pas forcément choisies par d’autres modes d’exercice. Mais elles ne sont pas implantées que dans ces zones-là. Seuls les professionnels peuvent dire si cette dynamique d’implantation et sa logique vont se poursuivre. Il apparaît assez clairement, en tout cas, que les politiques qui leur sont destinées sont le plus souvent liées au développement de ces structures dans les zones où il y a le plus de besoins.
On observe par ailleurs que c’est un modèle qui connaît une expansion assez exponentielle. Ce développement correspond probablement à une aspiration en terme de mode d’exercice professionnel et on ne voit pas de signe qui laisserait penser qu’il y ait une rupture de tendance. D’autant moins que les politiques publiques qui leur sont destinées se maintiennent. Là, on est dans la phase de basculement entre la phase expérimentale et une phase de développement de plus grande ampleur.
Plus une structure est intégrée, plus elle est performante... Quelles conclusions en tirer concernant le mode de fonctionnement des maisons de santé à l’avenir ?
J. M. Ce sont des structures qui sont en évolution permanente, des modèles d’organisation vivants. Il y a donc toujours quelque chose à améliorer, à développer, à inventer. Et ces structures et les professionnels le font, avec ou sans politique. Les maisons de santé, telles qu’on les observe aujourd’hui, seront différentes dans deux ou trois ans. Il n’y a pas de modèle figé ni de modèle unique. Après, on observe bien que même un petit ensemble comme notre échantillon reste assez hétérogène. L’intensité de l’intégration n’est pas la même selon les sites, les niveaux d’intégration correspondant à des stades de développement différents. Aujourd’hui, le système permet cette hétérogénéité-là.
Il pourrait être pertinent de tester d’autres modèles de rémunérations qui bousculent un peu plus l’équilibre actuel entre la place de la rémunération individuelle et la rémunération collective afin de renforcer l’intégration. Il s’agirait de voir, sur un plan expérimental, si la place donnée aujourd’hui à la rémunération à l’acte n’est pas un frein au développement de l’exercice collectif, notamment dans ce type de structures. Mais au même titre que le contenu de la formation initiale, les contours juridiques des professions, tout un ensemble d’autres paramètres sont importants pour faire évoluer l’offre de soins de premier recours.
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