Le parquet a requis, mercredi 19 mars 2025, deux ans de prison ferme, avec mandat de dépôt, contre le fondateur de la classe préparatoire fantôme aux études de médecine Hippocrate, jugé devant le tribunal correctionnel de Paris pour escroquerie et travail dissimulé. « L'appât du gain (de Samy Nacer) a tout surpassé », a avancé la procureure dans son réquisitoire, soulignant que « l'intelligence » du prévenu, reconnue par tous, était « une circonstance aggravante ». La magistrate a exposé « la multiplicité des mensonges » du prévenu pour tromper des jeunes qui rêvaient d'être médecins ainsi que leurs familles.
La procureure a réclamé 30 mois d'emprisonnement à son encontre, dont 12 mois avec sursis probatoire de deux ans. Elle a également demandé la révocation d'un sursis de six mois dont bénéficiait le prévenu, âgé de 25 ans, d'une précédente condamnation datant de 2021. Cela porte à 36 mois, dont 24 mois ferme, la peine requise contre le jeune homme aux longs cheveux frisés et à la fine moustache, tout de noir vêtu.
« Mon but, c'était que ça marche (...) On avait tout sauf envie de léser qui que ce soit », a expliqué le jeune homme à l'audience. « Je suis conscient du mal que j'ai fait », a-t-il dit à la conclusion des débats mais, a-t-il insisté, « j'ai voulu donner un service de qualité aux étudiants ».
Cette prépa Hippocrate était un château en Espagne, une chimère totale
Me Maxime Delacarte, conseil de 63 parties civiles
Samy Nacer était un homme qui « savait parfaitement ce qu'il faisait », a tranché la procureure en écartant l'excuse du mauvais gestionnaire. La représentante du parquet a également demandé à l’encontre du prévenu une interdiction de gérer une entreprise durant 10 ans.
« Sur le fond, Hippocrate, c'était un château en Espagne, une chimère totale », résume Maxime Delacarte, conseil de 63 parties civiles dans sa plaidoirie.
La salle d'audience de la 13e chambre correctionnelle était remplie, comme depuis le premier jour du procès lundi, de parents d'étudiants floués et de salariés lésés. Au total, les parties civiles ont demandé environ 300 000 euros pour compenser leur préjudice moral et financier.
Contre Yoann B., 31 ans, poursuivi pour complicité d'escroquerie, la procureure a réclamé une peine de 18 mois de prison avec sursis, une amende de 30 000 euros et une peine d'inéligibilité de 3 ans. Elle a demandé la relaxe du troisième, prévenu, Ryade M., 27 ans, absent à l'audience, en arguant qu'il avait passé très peu de temps dans la société gérée par Samy Nacer et qu'il avait plutôt occupé un poste de salarié au sein de l'entreprise.
Des dizaines d'étudiants (le nombre de victimes se situe entre 150 et 200) avaient versé plusieurs milliers d'euros chacun à Hippocrate, une société promettant un cursus « innovant » dont ils n’ont jamais vu la couleur. Le préjudice total s’élève à 400 000 euros.
« Irréalisable et mégalo »
En novembre 2020, Samy Nacer, alors étudiant en médecine à Lyon, a créé Hippocrate, domiciliée avenue des Champs-Élysées à Paris. La société se présente comme une classe préparatoire aux études de médecine. De nombreuses familles sont séduites par les promesses de réussite de la société. Les faux avis concernant l'entreprise sont publiés sur internet. Mais tout est du vent.
Samy Nacer croit-il lui-même à sa chimère ? Il embauche une quinzaine de personnes, mais au fil des mois, il ne les déclare pas, ne les paie pas complètement, voire pas du tout.
Pour valider leur inscription, les étudiants sont pressés par les représentants de la société de virer l'argent au plus vite, notamment sur un compte au Luxembourg.
Lors du gel du compte à l'été 2021, son solde s'élève à plus de 172 000 euros. Samy Nacer aurait envisagé le recrutement de 7 500 étudiants, 350 professeurs et l'ouverture de 30 centres dans toute la France. Un projet « irréalisable et mégalo », selon la gérante d'une prépa privée de médecine, entendue comme témoin.
En août 2021, les professeurs ne sont pas recrutés, les locaux manquent. La formation n’aura jamais lieu. C’est un écran de fumée. Les témoignages et plaintes d'étudiants conduisent à l'interpellation de Samy Nacer en octobre 2021.
Aujourd'hui, le jeune homme qui n'a pas renoncé à devenir médecin, est employé polyvalent dans un restaurant asiatique en région lyonnaise. Yoann B., lui, est actuellement au chômage avant, espère-t-il, de commencer en septembre une formation en informatique. Le tribunal fera connaître sa décision le 28 avril.
« Ce que fait le député Garot, c’est du sabotage ! » : la nouvelle présidente de Médecins pour demain à l’offensive
Jusqu’à quatre fois plus d’antibiotiques prescrits quand le patient est demandeur
Face au casse-tête des déplacements, les médecins franciliens s’adaptent
« Des endroits où on n’intervient plus » : l’alerte de SOS Médecins à la veille de la mobilisation contre les violences