De son côté, le Collège de la médecine générale (CMG) récuse la pertinence de tout parcours de soins construit exclusivement par pathologie. Pour le Dr éric Drahi (directeur des productions du CMG), coordinateur avec le Dr Marie-Hélène Certain (secrétaire générale du CMG) du séminaire annuel de travail du CMG sur le thème du « parcours de soins », la vision « classique », monopathologique, dite en silos, est de nature à faire le lit d’une « désorganisation de la prise en charge d’un patient, voire de parcours non pertinents ».
Dans le cadre des maladies chroniques, l’analyse contextuelle bio-psycho-sociale est un préalable à toute prise de décision. « Dans notre activité de cliniciens, ce sont des patients polypathologiques qui nous consultent et pour lesquels nous devons prendre des décisions en fonction de leurs multiples pathologies, de leurs demandes et de leurs nécessités du moment. Dans quel parcours insérer par exemple un patient à la fois asthmatique et insuffisant cardiaque ? Sa pathologie pulmonaire contre-indique les bêta-bloquants tantdis que sa pathologie cardiaque les nécessite, que décider alors ? Il serait impossible et ridicule de juxtaposer les parcours “insuffisance cardiaque et asthme”. On le voit, l’approche monocentrée par pathologie n’est pas fonctionnelle ». Certes, la HAS évoque bien la notion de comorbidité dans ses recommandations et ses parcours ALD. « Mais “comorbidités” n’équivaut pas à polypathologies », selon le spécialiste en médecine générale.
Pour un parcours centré sur la personne
Dans ce contexte, le Collège propose un parcours centré sur la personne articulé autour de cinq cycles : celui du repérage des problèmes rencontrés par le patient, ensuite celui de l’analyse des problèmes biomédicaux, mais aussi psychosociaux ou environnementaux par le médecin traitant en collaboration avec les professionnels concernés. S’ensuit une 3e phase de programmation des actions, matérialisée par un plan personnel de santé avec objectifs et indicateurs. La 4e période serait celle de la réalisation des actions initialement prévues et enfin, la 5e phase, une réévaluation programmée.
Pour théorique qu’elle semble être, cette approche est basée sur l’observation du fonctionnement des médecins généralistes. Elle reste pragmatique et se veut fonctionnelle. Elle met en avant la gestion de la complexité d’un patient – notion qu’une recommandation par pathologie ignore de facto –, la nécessité d’une coordination entre les acteurs médicaux, médico-sociaux et sociaux. Pour le CMG, il serait illusoire de penser uniquement aux aspects biomédicaux. Enfin, un parcours de soins centré patient tient forcément compte des données validées de la science.
Si le CMG refute l’approche exclusive par pathologie des parcours de soins proposés par la HAS, il ne jette pas pour autant le bébé avec l’eau du bain. Une fois les problématiques du patient analysées, « on a besoin de recommandations techniques sur les pathologies, scientifiquement validées, comme celles que propose la HAS. Ce sont des outils d’analyse qui servent à la construction du suivi d’une ostéoporose ou d’une insuffisance cardiaque. Ces recommandations nous servent à hiérarchiser les actes et les prestations, explique le Dr Drahi. Mais en aucun cas elles ne peuvent faire office de parcours de soins, de santé ou de vie pour un patient ».
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