Le numerus clausus augmente depuis quelques années, mais les médecins supplémentaires ainsi formés vont-ils s’installer là où on a le plus besoin d’eux, et notamment à la campagne ?
Dr Laure Dominjon : Malheureusement, le numerus clausus n’augmente ni à la mesure des restrictions qu’on a eues depuis des dizaines d’années, ni à celle de l’explosion de la demande de soins. On a donc besoin de nous partout, même si ce besoin est plus fort dans certains espaces. Les territoires ruraux et semi-ruraux sont déficitaires, mais c’est aussi le cas de certains espaces urbains ou semi-urbains. L’enjeu est l’attractivité de ces territoires pour les jeunes actifs en général et les jeunes médecins en particulier. Nous avons besoin de services publics, mais aussi de professionnels autour de nous : les médecins correspondants, les infirmiers, les kinés…
Justement, comment renforcer l’attractivité de ces territoires ?
Dr L. D : L’une des clés, c’est qu’en général, un médecin s’installe là où il a vécu, étudié, ou remplacé. Si on parvient à faire venir de jeunes étudiants ou remplaçants dans ces endroits, il y a plus de chances qu’ils s’y installent. C’est tout l’enjeu de la délocalisation des études, avec les stages à distance, par exemple. Certains élus l’ont bien compris. Ils sont allés voir leurs médecins pour savoir ce qui leur manquait pour devenir maître de stage, les ont aidés à dégager du temps, par exemple en les aidant au niveau du secrétariat.
Quel rôle les aides financières, souvent mises en avant par les pouvoirs publics, ont à jouer ?
Dr L. D : C’est une béquille, mais étant donné qu’elles sont disponibles dans toutes les zones déficitaires, on peut difficilement les considérer comme un facteur permettant de s’installer dans une zone plutôt qu’une autre. Elles peuvent rassurer le médecin qui s’installe, notamment dans le cas d’une création de patientèle, s’il y a des investissements à réaliser… Mais la crainte des jeunes médecins est moins celle de l’équilibre financier que celle de se retrouver débordé, sans collègue, à devoir tout gérer tout seul.
Le développement de l’exercice pluriprofessionnel est-il une réponse à cette crainte ?
Dr L. D : Les jeunes médecins sont friands des MSP. Beaucoup d’entre elles, d’ailleurs, deviennent universitaires, ce qui renforce encore leur attractivité. Mais il n’y a pas que les MSP. D’autres formes de travail en équipe, comme les ESP (équipes de soins primaires, ndlr), ou même les cabinets de groupe, peuvent attirer les jeunes.
On parle beaucoup de l’attrait du salariat, est-ce une solution ?
Dr L. D : C’est un mode de fonctionnement qui peut intéresser certains jeunes, car il se rapproche de celui qu’ils ont connu à l’hôpital. Mais tout dépend de la manière dont est construit le projet, des relations avec les médecins installés dans le secteur, et du modèle économique : il faut que les centres qui ouvrent soient capables d’offrir des soins sur des plages horaires assez étendues, ce qui n’est pas toujours le cas.
Avec l’élection présidentielle 2022, les propositions visant à obliger les médecins à s’installer en rural vont inévitablement resurgir. Comment vous y préparez-vous ?
Dr L. D : Comme à chaque échéance électorale, nous ferons de la pédagogie, en expliquant notamment qu’il s’agit de mesures qui produiront l’inverse de l’effet recherché, que les professions pour lesquelles cela a été mis en place ne connaissaient pas les mêmes problèmes que nous, que les pays qui ont un conventionnement sélectif peuvent témoigner des effets pervers de ce mécanisme…
Et surtout, la coercition suppose qu’il y a des zones surdotées, or ce n’est pas le cas !
« Un médecin s’installe là où il a vécu, étudié ou remplacé »
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