LE DÉBAT sur l’efficacité de la lutte contre les déserts médicaux rebondit avec la proposition de loi du sénateur UMP Jean-Pierre Fourcade qui abroge (avec l’aval du ministère de la Santé) deux mesures du chapitre démographie de la loi Bachelot décriées par les médecins libéraux : la déclaration d’absence obligatoire pour organiser la PDS et le contrat santé solidarité (qui forçait les médecins des zones surdotées à prêter main-forte à des confrères dans les zones fragiles à raison de plusieurs demi-journées par mois). Alors que le balancier penche du côté des incitations, « le Quotidien » a analysé l’efficacité des nombreux outils mis en place ces dernières années pour anticiper le risque de pénurie médicale.
• Bourses contre exercice en zone déficitaire : avis favorable
Il existe deux types d’aides versées par les collectivités locales : des indemnités de logement et de déplacement pour les étudiants de troisième cycle de médecine générale en stage dans les zones déficitaires ou des bourses pour les carabins qui s’engagent à exercer au moins cinq années dans une zone fragile. La loi HPST a complété cet arsenal en créant un contrat d’engagement de service public (CESP) dont le principe est d’octroyer à un étudiant ou un interne une allocation mensuelle de 1 200 euros brut en contrepartie de son installation dans une zone sous-dense à l’issue du cursus (pendant le même nombre d’années que celui du bénéfice de cette bourse). Même si le nombre d’étudiants qui bénéficient aujourd’hui d’une aide de ce type est encore limité, les collectivités locales se montrent intéressées et les associations de carabins se disent prêtes à jouer le jeu. Le Dr Patrick Romestaing, en charge de la démographie à l’Ordre national des médecins, a un avis favorable. « Ce qui est important ici, c’est que l’initiative et la décision relèvent du jeune médecin, analyse-t-il. C’est un choix personnel assumé, un engagement sur plusieurs années adossé à un exercice régional. »
• Aides à l’installation et au maintien des professionnels installés : peut mieux faire
La loi de 2005 relative au développement des territoires ruraux a instauré diverses aides à l’installation ou au maintien de professionnels de santé dans les zones déficitaires définies par les missions régionales de santé (prime d’exercice, d’installation, mise à disposition de logement…). L’impact de ces aides a été limité avec un effet d’aubaine. Le schéma ne doit pas être rejeté mais la seule « carotte » financière ne suffit pas à convaincre les médecins qui recherchent surtout des conditions d’exercice et une certaine qualité de vie, résume-t-on à l’Ordre.
L’assurance-maladie a, elle, carrément fait un flop avec son bonus de 20 % sur les honoraires généralistes (C+V) dans les zones déficitaires, inscrit dans l’avenant n°20 (2007) à la convention. Le principe était bon mais la décision de soumettre cette prime à des conditions strictes (exercice en groupe, pendant trois ans) a tué dans l’œuf cette « option » qui n’a convaincu que quelques centaines de médecins généralistes. « La restriction était aberrante », diagnostique le Dr Romestaing.
Certaines aides ciblées devaient enfin « booster » le remplacement dans les secteurs fragiles : les contrats de bonnes pratiques (pour l’exercice de la médecine générale en milieu rural et en zones franches urbaines). Là encore, le bilan est en demi-teinte avec peu de médecins concernés.
• Exonérations fiscales ciblées : utile mais insuffisant
En matière d’aides fiscales, l’État et les collectivités territoriales ont été inventifs. Dans le cadre notamment de la loi sur les territoires ruraux, ont été mis en place une exonération de l’impôt sur le revenu au titre de la PDS (dans la limite de soixante jours par an), une exonération d’impôt pendant cinq ans pour les cabinets médicaux libéraux créés en zone de revitalisation rurale (ZRR) ou encore une exonération de la taxe professionnelle en faveur des libéraux de santé pour deux à cinq ans sous conditions (création d’un cabinet dans une commune de moins de 2 000 habitants ou en ZRR). Si ces coups de pouce fiscaux trouvent rapidement leurs limites dans les secteurs très ruraux, ils ont pu être utiles dans les zones « mixtes » ou dans les petites communes.
• Modes d’exercice particulier, nouvelles pratiques : la voie d’avenir
Le succès relatif des incitations financières a conduit les pouvoirs publics (et l’Ordre) a encourager les modes d’exercice particulier. Il s’agit de l’exercice sur lieux multiples (cabinets secondaires soumis à autorisation ordinale) ou du contrat de collaboration libérale autorisé par la loi d’août 2005 en faveur des PME. Sous réserves de certaines précautions, et sans avancer de chiffres précis, le Dr Romestaing estime que ces dispositifs sont « très utilisés » et connaissent un intérêt croissant, avec de bons retours (lire le témoignage ci-dessous).
Les maisons de santé pluridisciplinaires ? Si le « concept » des MSP a explosé dans les discours officiels depuis deux ans, les témoignages de médecins montrent qu’il faut opérer un tri sévère pour éviter de déchanter. « C’est une des réponses possibles à la désertification mais il est impératif de partir des besoins du terrain, confirme le Dr Romestaing. Lorsque des élus locaux lancent des projets avec des arrière-pensées électoralistes, ça ne marche pas. » Une réponse utile pas la panacée : c’est également l’analyse d’Élisabeth Hubert, chargée par Nicolas Sarkozy d’une mission sur la médecine de proximité. Ces MSP peuvent bénéficier d’aides et de financements publics.
Quant à la télémédecine, qui vient de faire l’objet d’un décret attendu, c’est une forme de pratique qui va se déployer, et pourra améliorer l’accès à certains soins, mais le chantier est considérable et exigera sans de nouvelles conditions de financement.
• Cumul emploi/retraite : forte attente
Divers articles de la loi de financement de la Sécurité sociale ont permis aux médecins libéraux de prolonger leur activité en cumulant retraite et activité, sous conditions de revenus. Cette disposition a permis de consolider l’activité dans des secteurs fragiles. Selon l’Ordre, ce dispositif répond même à une
« forte attente » mais pourrait être encore amélioré (les cotisations ne procurant aucun droit supplémentaire).
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