Qu'ils soient à l'avant-garde, curieux ou en retrait, tous les médecins libéraux sont taraudés par « cette affaire de CPTS », à en croire le Dr Claude Leicher, ex-président du syndicat de généralistes MG France.
Créées en 2016 par la loi Touraine (alors sans financement pérenne), les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) s'implantent sur le sol français, au rythme de la prise en main des libéraux engagés dans cette structuration des soins primaires par bassin de vie.
Alors qu'Emmanuel Macron espère un millier de pools libéraux d'ici à 2022, après avoir décrété la fin de l'exercice en solo, la première journée nationale de la Fédération des CPTS, mi-octobre à Paris, a montré des signes encourageants. « Cette affaire de CPTS » est désormais celle de 400 équipes sanitaires réparties sur tout l'Hexagone – même si l'Ile-de-France reste la région en pointe.
Aussi structurant que 1958 pour les CHU
Aujourd'hui président de la Fédération des CPTS, le Dr Leicher salue une « dynamique de terrain extrêmement puissante », qualifiée de « révolution organisationnelle similaire aux ordonnances de 1958 pour l'hôpital ». De fait, le ministère de la Santé enregistre un doublement du nombre de projets en six mois (200 en avril), à des degrés divers de maturité. L'hétérogénéité des groupements est à l'image des territoires et des besoins en santé de la population.
Inaugurée en mars, la CPTS Paris 13 (180 000 habitants) s'est focalisée, sous l'égide d'un généraliste, sur l'accès au médecin traitant pour les patients âgés dépendants et l'accès aux dépistages pour les migrants. Présidée par une paramédicale, la CPTS de Bergerac (64 000 habitants, Dordogne), isolée mais bien structurée grâce au pôle de santé antérieur, travaille au développement de la téléconsultation par l'entremise de l'infirmière libérale. La CPTS du grand ouest dijonnais (18 000 habitants), portée par un CA pluripluriprofessionnel, veut améliorer la santé publique dans les écoles (semaine sans écran, hygiène bucco-dentaire). La quasi-totalité des CPTS se retrouvent sur l'amélioration de la sortie hospitalière et lien ville/hôpital.
Sobriété juridique
Cette liberté d'action est appréciée des acteurs de terrain – en particulier les plus libéraux d'entre eux, pas mécontents de « reprendre la main » face à l'hôpital. « Nous avons volontairement fait preuve de sobriété en termes d'encadrement juridique, assure Katia Julienne, directrice générale de l'offre de soins (ministère). Ce n'était pas un hasard et ça marche ! 400 projets, c'est remarquable ! »
L'aspect pluridisciplinaire de la communauté, apprécié des jeunes, est vanté comme bouclier anti-déserts. La CPTS Sud-Mayenne a recruté un kiné et mis fin au problème de remplacement médical. Enfin (surtout), le déblocage de fonds conséquents via la signature d'un accord conventionnel interprofessionnel (ACI) avec l'assurance-maladie « sécurise chaque projet et permet de se projeter », veut croire le DG Nicolas Revel. « Chaque contrat est différent. C'est un peu déstabilisant pour les caisses mais c'est concret pour les professionnels. Si les CPTS en étaient restés à l'état d'objet théorique, on leur aurait fait un procès en sorcellerie ! »
Reste les freins à lever. Le premier est culturel. « Faire partie d'une communauté n'est pas naturel pour les libéraux, qui ont l'habitude d'être centrés sur leur métier », explique David Guillet, infirmier et vice-président de la Fédération des CPTS. Au risque que l'ARS arbitre entre des projets libéraux concurrents... Attention également à la gestion du temps entre la lettre d'intention et les premiers services concrets délivrés aux patients, période qui peut courir de « 12 à 18 mois », selon Nicolas Revel. Outre Vénissieux, aucune CPTS n'a encore signé d'ACI. D'après la CPTS Pays d'Arles, « ce n'est pas faute d'avoir essayé ! »
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