À CRISE GRAVE, remède de cheval. « La fracture médicale s’aggrave, c’est un problème de santé publique, il faut davantage de régulation ». Pour le député du Nouveau Centre Philippe Vigier (Eure-et-Loir), biologiste, ancien interne des Hôpitaux de Paris, il est temps que les pouvoirs publics « adoptent une réponse ambitieuse au défi de la désertification ».
Les chiffres qu’il rappelle dans l’exposé des motifs de sa proposition de loi (PPL) témoignent de l’urgence de la situation. Si la France bénéficie d’un nombre record de médecins tous statuts confondus (209 143 praticiens en exercice*), leur répartition sur le territoire se révèle inégale, allant de 419 professionnels pour 100 000 habitants en PACA, contre 260 en Picardie. Pire, leur nombre devrait fondre de 10 % d’ici à 2019**. Les premières zones « victimes » seraient les campagnes, qui accuseraient une diminution de 25 % des effectifs de médecins, puis les banlieues, qui perdraient 10,5 % de leur contingent médical.
Pour remédier à ces difficultés, « beaucoup de choses ont été faites, bourses, primes, exercice regroupé… », reconnaît Philippe Vigier. Avant de trancher : « Insuffisant ! » Les contrats santé solidarité mis en place par la loi Hôpital, patients, santé, territoire (puis revus dans la loi Fourcade) ? « Ça ne coûte rien mais l’incitation ne suffit pas ». Les maisons de santé ? Le dispositif, jusque-là fragile juridiquement et peu attractif, n’est sans doute pas un rempart suffisant contre la désertification. Pour le député, il n’y a qu’une solution : « adopter une approche globale et un véritable pilotage de la démographie médicale : Il faut réorganiser le service public à la Française, et garantir aux citoyens un temps d’accès aux soins qui ne dépasse pas 30 minutes ».
Obligation, interdiction.
« Je ne réinvente rien, ces solutions sont possibles », estime l’élu centriste qui se défend de jeter un pavé dans la marre, à l’heure où le gouvernement et la CNAM privilégient les incitations.
Il propose en premier lieu de « renforcer les critères de démographie médicale dans la détermination du numerus clausus ». L’idée serait de diminuer le nombre de places au-delà de la première année du premier cycle dans les territoires surdotés. « Dans notre région, nous avons doublé le numerus clausus, mais 80 postes ne sont pas pourvus car les étudiants partent ailleurs », remarque Philippe Vigier. Il suggère ensuite de rétablir l’internat régional en lieu et place de l’examen national classant qui « favorise le déracinement d’étudiants de leurs régions de formation », tout en « aggravant la facture médicale ».
Plus autoritaire, les étudiants en 3e année d’internat devraient effectuer un stage d’un an minimum dans une région sous-dotée, en maison de santé, en cabinet auprès d’un maître de stage, ou à l’hôpital. « C’est l’équivalent de l’ancien externat », note le député. A l’issue de leur formation, les jeunes médecins seraient obligés de s’installer au moins 3 ans dans un secteur souffrant d’un manque de professionnels. « Une dizaine d’années d’études, c’est l’équivalent de 200 000 euros pour la société. C’est un juste retour », justifie Philippe Vigier. Un argument déjà entendu chez Martine Aubry, qui comparait en ce sens les médecins, les énarques et les normaliens.
Enfin au titre de « nouvelles mesures de pilotage », le député d’Eure-et-Loir souhaite soumettre l’installation de nouveaux professionnels (médecins, dentistes, sages-femmes, infirmiers, masseur-kinésithérapeutes) à une autorisation explicite délivrée par le directeur général de l’Agence régionale de Santé en fonction de la situation démographique. En cas de fraude, les actes de ces professionnels ne seraient pas remboursés par la Sécurité sociale. Dans les zones déjà surdotées, les installations de nouveaux médecins et créations de nouveaux cabinets seraient interdites.
S’il a conscience de brusquer les jeunes médecins par cette PPL, Philippe Vigier espère être compris des autres praticiens. Il attend des pouvoirs publics qu’ils convainquent les syndicats du virage à adopter. Déjà signée par une cinquantaine de députés de la majorité, dont Hervé de Charette (NC), Hervé Morin (UDF), Renaud Muselier (UMP), ou Bérangère Poletti (UMP), la proposition de loi devrait être examinée en séance plénière en janvier.
*L’Institut national de la statistique et des études économiques (2009)
** Étude de la direction de la recherche, des études de l’évaluation et des statistiques publiée en février 2009.
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