Ce mercredi matin, la controversée proposition de loi Rist est arrivée au Sénat. Le texte - qui introduit un accès direct aux kinés, aux orthophonistes et aux infirmières de pratiques avancées (IPA) - a déjà été significativement corrigé par les sénateurs en commission des affaires sociales. Les parlementaires en ont, par ailleurs, profité pour offrir quelques gages aux libéraux, en adoptant une disposition « anti-lapin » ou en supprimant la possibilité d'un nouveau tour de vis sur la permanence des soins.
Aussi, sur proposition de la rapporteure Corinne Imbert, sénatrice LR de Charente-Maritime, le droit de primoprescription accordé aux IPA devrait être mieux encadré. Un amendement a, en effet, été adopté pour conditionner cette possibilité aux avis de la Haute autorité de santé (HAS) et de l’Académie de médecine.
L'échelle de la CPTS supprimée
Jugée trop large, la référence aux CPTS a également été supprimée du texte issu des débats de l'Assemblée nationale. Afin de « s'assurer » que les IPA, les kinés et les orthophonistes « exercent leur activité en lien étroit avec des médecins », Corinne Imbert souhaite que soient privilégiées « les formes plus intégrées de coopération que sont les maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP), les centres de santé et les équipes de soins primaires et spécialisés ». En adoptant cet amendement, les sénateurs répondent en partie à l'inquiétude formulée par certains syndicats – comme MG France ou le syndicat de jeunes généralistes installés et remplaçants Reagjir – qui craignaient que l'échelle de la CPTS ne puisse garantir un réel exercice coordonné entre paramédicaux et médecins.
La commission a également souhaité simplifier les différents statuts de pratiques avancées. Fini donc la distinction entre IPA spécialisé et IPA praticien, « inadaptée au modèle français ». Aussi, les infirmières anesthésistes diplômées d’État (IADE) pourraient obtenir ce statut de pratique avancée, conformément aux recommandations de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) et des paramédicales elles-mêmes, mais contre l'avis de certains médecins hospitaliers.
Le nombre de séances de kiné en accès direct réduit
Côté kinés, si l’accès direct a été validé par les sénateurs, ceux-ci sont venus, là aussi, encadrer davantage cette évolution. Initialement fixé à dix, le nombre de séances de massokinésithérapie autorisées en accès direct, en l'absence de diagnostic médical préalable, est réduit à cinq.
Autre garde-fou souhaité par les sénateurs : l’autorisation de prescrire pour les kinés une activité physique adaptée (APA) devra être également soumise à un avis de la HAS. Un amendement justifié par Corinne Imbert : la Haute autorité « recommande une évaluation médicale minimale du patient avant prescription, comprenant notamment une évaluation du risque cardiovasculaire et une estimation des autres risques médicaux liés à la pratique d'une APA », rappelle-t-elle.
Indemnisation anti-lapin
Surtout, l’examen du texte de Stéphanie Rist – baptisé « améliorer l'accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé » - a aussi été l’occasion pour les parlementaires de répondre, au moins en partie, aux préoccupations des médecins. Ainsi, sur proposition de Corinne Imbert toujours, la commission a adopté un amendement pour lutter contre les rendez-vous non honorés.
Le texte introduit donc une « indemnisation du médecin à la charge du patient fautif » en cas de non présentation à un rendez-vous sans raison légitime. L’amendement renvoie aux négociations conventionnelles la charge de définir les conditions et les modalités de cette taxe sur les lapins.
Retour en arrière sur la PDSA
Dernier gage donné aux libéraux ce matin : la commission a décidé de supprimer purement et simplement la notion de « responsabilité collective » dans la permanence des soins pour les médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes et infirmiers. Ce nouvel article, greffé à la PPL Rist en janvier par le gouvernement, avait été largement contesté dans les rangs des libéraux, craignant un retour de la PDS-A obligatoire.« Le gouvernement lui-même ayant reconnu que ce texte serait sans incidence sur le fonctionnement de la permanence, et notamment sur le principe du volontariat, ces dispositions apparaissent inutilement inquiétantes et dénuées d'effet », justifie Corinne Imbert.
De même, alors que le texte adopté à l’Assemblée, introduisait dans le code de la Santé publique la notion de valorisation des médecins qui s’engageaient d’un point de vue territorial, cette mention vient d’être supprimée par les sénateurs. La rapporteure considère ainsi que « le périmètre des conventions médicales permet d'ores et déjà de rémunérer l'engagement des médecins en faveur de l'accès aux soins » et que « l'examen de ces dispositions interfère inutilement avec les négociations conventionnelles en cours ».
Interférence avec les négos
Depuis plusieurs semaines, les syndicats de libéraux regrettaient l’incursion gouvernementale et parlementaire dans les négociations conventionnelles en cours. Ce mercredi encore, Jérôme Marty, président de l’Union Française pour une médecine libre (UFML-S), dénonçait une « parodie de négociation », « face aux différentes PPL destructrices de la médecine libérale ».
Les sénateurs ont-ils entendu les appels du pied des libéraux ? En tout cas, la commission des affaires sociales du palais du Luxembourg semble bien vouloir étendre le feu. Le texte ainsi amendé sera examiné au Sénat à partir du 14 février en séance publique. Les libéraux seront au rendez-vous, à la même date, devant les jardins du Luxembourg pour une grande journée de protestation.
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