À l’heure où le Conseil de l’Europe exige que la France interdise la fessée, les médecins sont également priés de s’abstenir d’en venir aux mains avec leurs patients, a fortiori avec des enfants qui refuseraient de se faire vacciner. Et ce, sous peine d’être traduits en justice par des mamans scandalisées par une malheureuse gifle décochée à leur progéniture. L’archétype du médecin autoritaire et tout-puissant a vécu pour laisser la place au praticien respectueux des droits des patients. Depuis 2002, la loi Kouchner(1) a acté ses obligations envers les usagers. Son application a facilité l’émergence des associations de patients, marquant ainsi le début de la démocratie sanitaire.
Le texte détaille en effet les différents droits : de la personne à la protection de la santé, au respect de la dignité, au respect de la vie privée et au secret des informations, à recevoir des soins les plus appropriés et des traitements dont l’efficacité est reconnue et, aussi, à recevoir des soins visant à soulager la douleur. En outre, les professionnels de santé doivent désormais mettre en œuvre tous les moyens pour assurer une vie digne jusqu’à la mort. Il leur faut aussi participer à la prévention et aux soins pour garantir l’égal accès de chaque personne aux soins nécessités par son état de santé ainsi qu’assurer la continuité des soins et la meilleure sécurité sanitaire possible.
Une sage précaution
S’il veut éviter des plaintes et des condamnations, un médecin devra donc respecter strictement ces droits des usagers. Il aura cependant une obligation de moyens et non une obligation de résultat : en pratique, il devra tout mettre en œuvre pour obtenir la guérison, mais ne pourra en aucun cas la garantir. En cas de litige, il lui faudra apporter la preuve que l’information aura bien été délivrée au patient. Faire signer par écrit un formulaire informant des risques d’un traitement, liés par exemple à une grossesse, lui permettra ainsi de se prémunir de ce genre de désagréments.
De même, pour obtenir un consentement libre et éclairé avant tout acte médical ou tout traitement, il vaudra mieux le faire inscrire noir sur blanc et le faire signer, pour s’entourer de toutes les précautions nécessaires.
Des devoirs, mais aussi des droits
Tout comme ceux des patients, les droits des médecins doivent être respectés. Or, ces dernières années, la violence a fait son entrée dans les cabinets médicaux. Certains usagers s’insurgent, voire agressent physiquement leurs médecins lorsqu’ils sont mécontents de leur prise en charge, des délais de rendez-vous jugés trop longs, d’un temps d’attente jugé excessif ou d’un refus de prescription.
Les résultats de l’Observatoire pour la sécurité des médecins de 2013, le dernier disponible(2), attestent d’une nette augmentation du nombre de violences à leur égard (925 en 2013 contre 798 en 2011). Cette recrudescence peut s’expliquer par les campagnes de sensibilisation incitant les médecins à déclarer les incidents.
Globalement, ce sont les praticiens en milieu urbain – de ville et de banlieue, respectivement 58 % et 23 % – qui sont les plus exposés aux risques d’actes de violence, ceux commis en milieu rural restant depuis dix ans beaucoup moins fréquents (14 %). Parmi ces praticiens de milieu urbain, les généralistes restent les plus concernés par l’insécurité puisqu’ils représentent 58 % des personnes agressées, ce qui est plus que leur proportion dans la population médicale (46 %). Les ophtalmologistes figurent une nouvelle fois en tête des spécialités les plus touchées, suivis par les psychiatres, les gynécologues et les dermatologues. Les hommes sont un peu plus touchés que les femmes, ce qui est représentatif de la structure de la population médicale. Dans plus de la moitié des cas, l’agresseur est le patient lui-même et dans 16 % des cas son accompagnant.
Mieux vaut porter plainte
Pour autant, face à ces incivilités, les médecins ne doivent pas baisser les bras. Le Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM) les encourage à déposer plainte. Mais, malgré les appels, les agressés renâclent à signaler les violences dont ils sont victimes. Sur l’ensemble des incidents recensés en 2013, moins d’un tiers (– 7 points depuis 2010) a été suivi d’un dépôt de plainte et 14 % d’une main courante(2).
Depuis la signature du Protocole national de sécurité des professionnels de santé en avril 2011 entre le CNOM et les ministères de l’Intérieur, de la Justice et de la Santé, un important travail de communication a été réalisé par l’Ordre des médecins auprès des préfets, des procureurs, des forces de sécurité et des praticiens pour que ce protocole soit décliné au niveau départemental.
Outre cette recommandation, des mesures concrètes ont été déployées pour assurer la sécurité des médecins, comme l’accès à un numéro de téléphone dédié vers la cellule de sécurité départementale, ou la désignation d’un référent sécurité au sein des services de police et de gendarmerie.
Par ailleurs, le CNOM a mis en place de nombreux dispositifs de prévention des violences, dont la conception et la mise à disposition de plusieurs supports pédagogiques vidéo (co-animation de réunions dédiées à la prévention et à l’anticipation des situations génératrices d’agression), et l’envoi à tous les référents sécurité des conseils départementaux d’un pack pédagogique sécurité.
Autre mesure pour juguler la violence dans les cabinets : la mise à la disposition des médecins d’une affiche type (http://www.conseil-national.medecin.fr/sites/default/files/cnom-affiche_confiance_format_a3.pdf) destinée aux salles d’attente(3), laquelle reprend les principales sources de difficultés dans la relation entre le professionnel de santé et le patient. Enfin, le CNOM apporte son soutien aux dispositifs de géo-sécurisation des médecins mis en place dans les départements du Val-de-Marne, de la Seine-Saint-Denis et des Bouches-du-Rhône.
Christine Colmont
(1) Loi no 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. À consulter sur le site :
http://legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=2499C8C4860F4576500…
Et dans sa version en vigueur en 2015 : http://legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000227015
(2) Observatoire pour la sécurité des médecins, Recensement national des incidents, Fiches 2013, Ordre national des médecins, Conseil national de l’Ordre, à consulter sur le site :
http://www.conseil-national.medecin.fr/sites/default/files/observatoire…
(3) Pour un modèle d’affiche à afficher dans votre salle d’attente : http://www.conseil-national.medecin.fr/sites/default/files/cnom-affiche…
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