Alors que les soignants sont encore épuisés par deux années de Covid, « la pression médico-légale se fait de plus en plus forte », alerte le Dr Thierry Houselstein, directeur médical de la MACSF. Et pour cause : après une année d’accalmie en 2020, liée aux fermetures de cabinets et aux déprogrammations, les déclarations de dommages corporels repartent de plus belle, selon le panorama annuel de la responsabilité médicale établi par la MACSF-Le sou médical.
En 2021, le taux de sinistre chez ses 162 000 médecins sociétaires s’établissait à 1,23 %, en légère hausse sur un an. « Certains spécialistes ne supportent plus ce risque médical, ce qui induit parfois un changement de mode d’exercice ou un refus de prendre en charge certains patients, insiste le Dr Houselstein. Mais cette pression peut aussi conduire au burn-out ».
Au total, la MACSF a reçu près de 2 000 déclarations de sinistres de médecins, soit une augmentation de 10 %. Comme en 2020, ce sont les neurochirurgiens qui sont les plus exposés au risque médical, avec un taux de sinistralité de 84 % en un an. « C’est une fréquence telle que cela veut dire que presque tous les neurochirurgiens assurés ont été mis en cause dans l’année », résume Nicolas Gombault, directeur général délégué de la MACSF.
Quelques contentieux autour de la téléconsultation
Inlassablement, les spécialités chirurgicales restent les plus exposées au risque médical. Ce sont 72 % des chirurgiens digestifs, 48 % des orthopédistes et 41 % des chirurgiens plastiques qui ont déclaré un dommage corporel en 2021. Contre seulement 0,88 % des généralistes libéraux. En un an, « l’oncologie augmente fortement et passe d'1 % de sinistralité à 6 %, ce qui s’explique peut-être par un effet Covid car certains cancers ont été diagnostiqués tardivement », décrypte Nicolas Gombault.
La pandémie a modifié la donne de la sinistralité. Sur la centaine de dossiers liés au virus, « beaucoup concernent des Covid nosocomiaux, mais aussi des déprogrammations avec des pathologies qui n’ont pas pu être prises en charge ou diagnostiquées à temps », explique Thierry Houselstein qui rapporte le cas d’un patient dont le glaucome s’est dégradé rapidement ou d'un autre qui n’a pas pu bénéficier de la pose d’un stent.
Une dizaine de dossiers a également trait à la pratique de la téléconsultation pendant la crise « essentiellement liés à des erreurs de diagnostics, très clairement du fait de l’absence d’examen clinique », poursuit Thierry Houselstein. Il cite le cas de l’un de ses sociétaires qui, face à un patient se plaignant de douleurs abdominales, n’a diagnostiqué qu’une simple gastroentérite, « alors qu’il s’agissait d’une appendicite, transformée en péritonite ».
Il est aussi à noter que, depuis plusieurs années, lorsqu’un médecin est mis en cause « ce sont les réclamations à l’amiable qui sont le plus nombreuses, dans 36 % des cas », poursuit Nicolas Gombault. Dans 34 % des cas, les sinistres aboutissent à une saisine de la Commission de conciliation et d’indemnisation (CCI), dans 18 % en procédures civiles, 3 % au pénal et 4 % devant la justice ordinale.
Indemnités civiles en forte hausse
À l’issue des procédures civiles, 67 % des soignants sont condamnés, une proportion toujours élevée mais en baisse pour la première fois depuis 2017. « Y a-t-il une tendance à moins de sévérité des juridictions civiles ? », s’interroge Nicolas Gombault. Une fois de plus, ce sont les chirurgiens qui sont les plus présents à la barre. 152 d’entre eux ont été appelés à comparaître au civil en 2021, dont 53 chirurgiens orthopédiques et 37 chirurgiens généralistes.
Fait nouveau, la MACSF note des indemnités au civil en forte hausse : 49,1 millions d'euros en 2021, en hausse de 67 % par rapport à 2020. Dans un cas sur cinq, les sommes dépassent les 100 000 euros. Là encore, les chirurgiens arrivent en tête, avec, à eux seuls, 11,6 millions d’euros d’indemnités cumulées, contre 8,5 millions pour les obstétriciens et 7,9 millions pour les généralistes.
Si la crise sanitaire a entraîné une augmentation de sinistres inédite, elle a aussi laissé un monde de la santé en souffrance. Or, « un médecin en burn-out a deux fois plus de risque d’être concerné par une erreur médicale qu’un professionnel en bonne santé », rappelle Nicolas Gombault, citant une étude publiée mi-septembre dans le « British Medical Journal». L'assureur souhaite s’attaquer aux risques psychosociaux des soignants, en lançant une enquête, afin d'évaluer leurs conditions d’exercice. En fonction des réponses, la MACSF envisage d'établir des actions de prévention, mais aussi de prendre position politiquement sur ce sujet.
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