Par Clément Paquis
Dans un monde parfait, j'aurais sans doute été dessinateur de bandes dessinées. Et pour cause, je gribouille de petites histoires humoristiques depuis que je sais tenir un crayon. Je crois d'ailleurs avoir un certain talent pour cela. Mais dans un monde parfait, le métier de dessinateur serait grassement rémunéré et aurait permis au jouisseur que je suis de s'assurer le train de vie confortable auquel je suis désormais habitué en tant que médecin.
Nous ne vivons pas dans un monde parfait. Le monde dans lequel nous vivons, celui dans lequel j'évolue est bourré d'aspérités et rempli des souffrances de ceux qui le peuplent. La médecine, ça n'était pas un second choix. Je prends un réel plaisir à apaiser les souffrances des gens qui me consultent. Mes patients ne voient pas juste en moi Yann Firmin, simple médecin généraliste, mais aussi une sorte de mage des temps modernes à qui ils ont pris l'habitude de confier non seulement leur santé mais aussi bien souvent leurs petits secrets.
C'est d'ailleurs grâce aux indiscrétions de l'un de mes patients préférés que j'ai finalement atterri à Plumier-les-Natives. Je m'en souviens comme si c'était hier. Monsieur Cortez, un nosophobe notoire, était avec moi en consultation. Il ne se passait en général que très peu de temps entre chacune de ses visites et c'était pratiquement à chaque fois la même litanie.
« Docteur, c'est pas normal cette manière que j'ai de tousser. Des fois, ça fait eurk eurk et d'autrefois ça fait tronf tronf… J'ai regardé sur internet, et je suis sûr que c'est un cancer de la gorge. Oh mon Dieu, docteur, je ne veux pas mourir ! Faites quelque chose ! »
Un jour, j'espère que l'on sera en mesure et en droit de prescrire aux patients hypocondriaques des interdictions totales de surfer sur le web. Une bonne cure de vie réelle, voilà qui résoudrait bien des problèmes ! Pas d'écran, pas de sites anxiogènes, rien d'autre que des balades en forêt et des parties de pêche, avec pour point d'orgue la meilleure des médecines : le sexe, 100 % bio, sans produits ajoutés, une valeur décidément sûre et à recommander en ces temps d'inquiétude générale.
Si Monsieur Cortez n'avait ni femme ni enfant (le personnage devait être assez pénible à vivre) il avait en revanche toute sa famille implantée dans cette petite bourgade de Plumier-les-Natives. Et à Plumier-les-Natives, je vous le donne en mille, on recherchait un généraliste depuis un bon moment déjà. Au début, la perspective de quitter mon emploi citadin pour risquer de végéter en rase campagne ne m'emballait pas particulièrement. Mais c'était sans compter sur le bagou de Monsieur Cortez.
« Oh, docteur, regardez-bien, à Plumier-les-Natives, vous seriez à moins de vingt kilomètres de la grande ville et au cœur d'une dizaine de villages complètement désertés par la moindre présence médicale. Pour sûr, vous feriez une sacrée affaire en vous y installant ! Et puis, renseignez-vous sur les prix de l'immobilier dans le coin, c'est une bouchée de pain ! Vous seriez comme une sorte de seigneur sur ses terres, vous auriez un genre de monopole absolu de droits divins ! Franchement, si j'étais médecin, je n'hésiterais pas une seconde ! »
C'était en effet vraiment tentant mais j'y aurais sans doute réfléchi à deux fois si j'avais été au courant de ce que manigançait Ghislain Frioul, le rebouteux de Plumier-les-Natives.
Avec la collaboration de
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