par Céline Santran
En ce jour de janvier 2013, Gaspard sentait qu’il touchait au but, enfin. Alors pas question de se laisser retarder par une hypersalivation sortie de nulle part. Après son rendez-vous chez la dentiste, Gaspard avait d’abord appliqué cette bonne vieille méthode Coué. Ça allait passer, si si, ça allait passer… et comme par miracle, l’hypersalivation avait disparu. Il faut dire que Gaspard, aidé de Pierre, son fils unique, n’avait pas lésiné sur les moyens et s’était administré le jour même un traitement de choc qui ressemblait, à peu de choses près, à celui que lui avait conseillé sa dentiste préférée : foie frais poêlé aux pêches pour commencer, entrecôte agrémentée d’un lit d’échalotes confites et de pommes de terre sarladaises et pour finir sur une note légère, des cannelés dorés juste ce qu’il faut, pur concentré de bonheur. Le tout évidemment arrosé d’un subtil breuvage des dieux, dégoté quelque part entre Pomerol et Saint-Emilion… Après tout, il fallait toujours obéir à son médecin et en vingt ans, la jolie docteure Florin n’avait jamais failli à sa réputation d’excellente dentiste, qui plus est très psychologue !
Deux jours plus tard, l’hypersalivation revint subitement et tandis que Gaspard dégustait son dernier morceau de fromage, il eut en plus la sensation que sa gorge se bloquait, rendant la déglutition impossible.
– Rhaaaaa, fut tout ce qu’il parvint à dire, avant de réussir enfin à avaler ce qu’il avait dans la bouche.
– C’est étrange tout de même, fit Pierre, inquiet, tu devrais aller voir le docteur Simounet, ses diagnostics sont toujours pertinents.
– Pour qu’il m’envoie chez un spécialiste faire encore des analyses qui vont me faire perdre plusieurs jours alors que nous devons préparer notre voyage en Uruguay, non merci !
Pierre prit le temps de réfléchir. Il lui fallait trouver les mots justes pour convaincre son père.
– Écoute Papa, on n’est plus que tous les deux maintenant et je ne veux pas qu’il t’arrive quoi que ce soit. À tous les coups, ce n’est rien du tout mais il vaut mieux vérifier, être soulagés et partir sereins en Uruguay. Et puis tu sais, si ça se trouve, cette nouvelle piste ne nous mènera nulle part, comme les autres. On va découvrir que cette charogne est passée par là mais qu’il a déménagé et ce sera retour à la case départ.
Gaspard connaissait son fils par cœur. Il avala doucement une gorgée de café, craignant que le liquide ne reste coincé au moment de déglutir, mais il n’en fut rien. « Pppfff, encore paniqué pour rien », songea-t-il.
– Si tu crois que je ne te vois pas venir, avec ton bulldozer, maugréa-t-il gentiment.
– Je savais que tu lirais dans mes pensées, souffla Pierre, soulagé. Donc on est bien d’accord, tu vas voir le docteur et s’il te conseille de faire des examens, je pars seul en Uruguay, le temps pour toi de régler ces petits soucis et de repartir ensuite de plus belle !
Le docteur Simounet était de ces généralistes de la vieille école, des comme on n’en fait plus. Disponible sept jours sur sept, il avait largement passé l’âge de la retraite, mais veuf et sans enfants, il avait décidé de se consacrer jusqu’au bout et plus que tout à ses patients.
C’est l’air concentré et le geste précis qu’il ausculta le lendemain un Gaspard un brin ronchon.
Hypersalivation, fasciculations au niveau de la langue, problèmes de déglutition, pour la première fois de sa vie, le brave docteur ne sut comment annoncer le sombre diagnostic qu’il pressentait. Si seulement il pouvait se tromper…
Prochain épisode dans notre édition du 30 octobre
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