À l’annonce du jeune homme qui venait de lui serrer la main, Marc ne fut pas réellement surpris. Cela faisait des années que l’ancien médecin se doutait que son fils était homosexuel, même s’il ne lui en avait jamais parlé. L’orientation sexuelle de son fils l’avait choqué, puis il s’y était habitué. Après tout qu’il soit homo ou hétéro, Louis était et restait son fils. Cependant, Marc fut interloqué car faire connaissance du petit-ami de son fils demeurait un événement particulier. Surtout dans ces circonstances.
– Nous devrions nous asseoir, dit Marc en récupérant son café.
La salle d’attente des urgences était déjà occupée. Voulant être tranquille, Marc conduisit Franck dans un espace théoriquement réservé aux médecins, sachant qu’ils ne seraient pas dérangés.
– Vous connaissiez mon fils depuis longtemps ?
– Nous nous sommes rencontrés il y a trois ans dans un bar réservé aux gens comme nous. « La Goulue », peut-être que vous connaissez ? dit le jeune homme.
– De nom. Vous étiez donc… Comment dire, intimes ?
– Nous vivions ensemble depuis un an. Je voulais faire votre connaissance car vous étiez une des personnes les plus importantes pour votre fils. J’ai vu de nombreuses photos de vous et quand je vous ai reconnu, j’ai osé vous aborder.
– Il parlait de moi ? demanda Marc plus que surpris.
– Bien sûr, comme il me parlait de sa mère. Vous savez, sa mort l’a détruit. Vraiment détruit. Au point de tenter de mourir.
– Oui je l’ai appris, dit Marc, les yeux tourné vers le linoléum du sol. Je n’ai pas été là pour lui… comme aujourd’hui.
– Je peux vous assurer qu’il ne vous en voulait pas. Il s’en voulait à lui-même. Il vous aimait plus que tout et cela malgré le décès de sa mère.
Marc dévisagea le jeune homme. Il avait été persuadé jusqu’à ce jour que son fils le détestait. À la mort de Sarah, Marc avait démissionné, avait sombré dans la dépression et l’alcool. Mais bien que saoul du soir au matin, Marc prenait des nouvelles de son fils. Il avait ainsi su que Louis avait tenté de mourir. Alors il avait eu honte, avait arrêté de boire et s’était installé à la campagne. Puis un jour, Louis s’était invité à l’improviste et l’avait aidé à bêcher son petit potager. Depuis ce jour, les deux hommes se fréquentaient mais sans vraiment se parler. Chacun attendant un signe de l’autre qui ne venait jamais.
– Je l’ai laissé tomber comme Sarah, comme tous les autres. Vous savez ce que je suis Franck ? Un lâche.
– Louis ne voyait pas les choses ainsi. Souvent, il me disait à quel point vous aviez été présent quand il était petit, ce malgré votre emploi du temps. Il me racontait vos voyages, ses anniversaires où vous arriviez déguisé en clown. Il était vraiment fier d’avoir eu un père comme vous. Il me répétait souvent comment il s’en voulait de vous avoir laissé tomber au moment où vous en aviez besoin. Il regrettait tellement de ne pas avoir été à la hauteur…
À ces mots, Marc comprit que son fils avait choisi de vaincre son chagrin au lieu de fuir la réalité, comme lui l’avait fait. Il prit son visage entre ses mains et éclata en sanglots. Franck Breniaux se leva alors et le prit dans ses bras.
Tous deux restèrent ainsi de longues secondes. Serrés l’un contre l’autre au nom d’un homme, d’un fils qu’ils avaient aimé. Puis Marc se releva, essuya ses larmes. Il eut à peine le temps de prononcer un « merci » que son regard stoppa net sur le cou du jeune homosexuel. Ce dernier portait lui aussi des marques rouges caractéristiques.
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