Un programme de sensibilisation contre les conduites addictives en ovalie

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Publié le 09/04/2018
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ADDICTIVE

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Crédit photo : AFP

La saison 2017-2018 est la première au cours de laquelle les joueurs professionnels du TOP 14 et de Pro D2 bénéficient d'une sensibilisation aux conduites à risque, et plus spécifiquement aux conduites addictives.

Psychologue spécialisé en psychologie du sport, Emmanuel Augey a pris son bâton de pèlerin pour rencontrer joueurs et membres du staff des joueurs, dans le cadre de ce programme mis en place par le syndicat des joueurs Provale, la ligue nationale de Rugby avec le soutien de la fédération addiction. But de la manœuvre : expliquer ce qu'est une addiction aux joueurs et aux staffs, et les faire s'exprimer sur le quotidien de joueur et les conduites à risque. Les joueurs et le staff reçoivent également des conseils sur la manière d'accompagner un rugbyman en difficulté.

« Les joueurs de rugby présentent des facteurs de vulnérabilité assez prégnants relatifs à la précarité de leur carrière, explique au « Quotidien » Emmanuel Augey. Ils sont soumis à des exigences physiques importantes. À cela s'ajoutent le stress, l'intensité des entraînements, l'éloignement des proches et la forte concurrence sur certains postes, sans oublier l'alcool très présent dans la culture du rugby. Les périodes de transition professionnelle, transfert, arrêt pour cause de blessure, fin de carrière, sont les plus à risque. » Ces périodes sont devenues plus fréquentes avec l'arrivée du professionnalisme.

Anti-inflammatoire et tramadol

« La consommation de substances pour récupérer, pour performer ou calmer une douleur peut mener à une accoutumance puis vers des consommations plus installées », poursuit Emmanuel Augey. La consommation à risque, parfois prophylactique, d'anti-inflammatoire et d'antalgiques comme le tramadol pour améliorer les performances fait partie des pratiques que veulent combattre Provale et ses partenaires.

Après une première tournée des clubs, Emmanuel Augey mène en ce moment une deuxième série de visites afin d'aborder les « problèmes de fond » comme la représentation sociale des drogues et de l'addiction. Avec l'aide de SOS addiction, les membres du projet mettent en place le réseau de proximité CARE SPORT. Les centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA), membres du réseau, seront les référents des sportifs de haut niveau pour toutes les questions d'addiction.

Un problème mal évalué

La problématique des addictions dans le sport de haut niveau n'est pas neuve. Il y a 20 ans, le Dr William Lowenstein (actuel président de SOS addiction) avait remarqué une forte proportion de sportifs dans les files actives des centres spécialisés. Il avait lancé une enquête sur 831 hommes et 280 femmes suivis en CSAPA. Plus de 20 % des pratiquants de sport intensif (plus de 8 heures par semaine) consommaient des produits dopants, 36 % consommaient du cannabis, 12 % consommaient régulièrement de la cocaïne et environ 40 % consommaient de l'héroïne. Des chiffres plus élevés que ceux observés chez les patients pratiquant moins ou pas de sport.

En dehors de ces données, et de celles de l'enquête ESPAD de 1999, la littérature reste pauvre : « Il nous manque une étude prospective comparative sur plusieurs années », estime le Dr Philippe Arvers, addictologue au centre Léon Bérard de Lyon et chercheur en épidémiologie à l'université Grenoble Alpes.

Dans le domaine du rugby professionnel, une petite étude a été menée en 2010 auprès des jeunes du pôle espoir du XV de France. Un quart des participants dépassaient le seuil retenu en France pour l'alcoolodépendance. Près de la moitié (49 %) s’était déclarée incapable de s'arrêter de boire en soirée après avoir commencé, 19 % déclaraient avoir besoin d'un verre pour pouvoir démarrer après avoir bu la veille et 60 % étaient incapables de se souvenir ce qui s'est passé la soirée précédente, après un épisode de binge-drinking.

Damien Coulomb

Source : Le Quotidien du médecin: 9655