La population française augmente et elle est plus âgée. La demande de soins continue donc de croître et, dans le même temps, les jeunes médecins qui s’installent privilégient un nouvel équilibre de vie, laissant plus de temps à leur vie personnelle et moins de temps au travail que leurs aînés qui partent en retraite. Dans ce contexte, nous manquons de médecins. C’est pourquoi en 2019, nous avons supprimé le numerus clausus, avec une augmentation des étudiants en deuxième année qui a depuis bondi de + 27 %. Récemment, le Premier ministre a encore relevé l’objectif à 16 000 étudiants par an à horizon 2027, soit un doublement par rapport à 2017.
Mener une réflexion globale sur notre système de formation
Cette augmentation ne nous épargne pas l’engagement d’une réflexion globale sur notre système de formation. Celui-ci doit garantir la préparation des étudiants à la réalité de l’exercice qui les attend à la sortie de l’université et aux besoins des patients. C’est pourquoi il nous faut repenser l’orientation et la formation de nos jeunes dès le collège. C’est particulièrement important pour inciter les jeunes ruraux ou issus de quartiers défavorisés à choisir médecine afin de renforcer les effectifs médicaux partout où cela est nécessaire. Une refonte de la formation qui passe aussi par une révision de la sélection, valorisant tout autant les qualités humaines que cognitives. Enfin, nous devons repenser le contenu et l’organisation de la formation pour l’adapter aux nouvelles pratiques.
Concrètement, pour susciter des vocations et dépasser les limites que certains se mettent, nous soutenons la généralisation d’une option Santé dans un lycée de chaque département français. C’est ce qui a été fait à Saint-Céré (Lot) et, depuis 2024, au Lycée de Millau (Aveyron). Les premiers résultats démontrent que les aspirants médecins gagnent en confiance et se voient accompagnés dans leur réussite, quelle que soit leur origine sociale ou géographique. Ce module d’apprentissage précoce limite l’autocensure des jeunes et permet un choix éclairé. La diversification des profils en filière médicale doit être une de nos priorités. Il est ensuite impératif de revoir les modalités de sélection des étudiants en médecine en début de cursus. En effet, la sélection sur concours contribue aujourd’hui à façonner une mentalité individualiste, elle favorise les inégalités sociales par le biais des classes préparatoires privées, mobilisant des enseignants d’ailleurs souvent issus des CHU. Elle reproduit un modèle élitiste dès la première année, allant ainsi à l’encontre des nouveaux modes d’exercice partagés que nous souhaitons voir se développer. Au contraire, la sélection pourrait être étalée sur une licence de trois ans reposant sur du contrôle continu et une diversité des modes d'examen. Ainsi, tous les étudiants en santé se retrouveraient au sein d’une licence commune, intégrant un tronc commun et des modules particuliers en fonction de l’orientation souhaitée. Dès l’université, nous renforcerions ainsi l’interprofessionnalité défendue depuis plusieurs années (structures de soins coordonnés, délégations de tâches). Plus globalement, il faut nous intéresser au contenu de l’enseignement dès les premières années et ainsi repenser la notion de soin dans la formation des médecins. Il s’agit, par exemple, de favoriser la formation des étudiants en psychologie médicale, d’aborder la judiciarisation de la médecine, de les familiariser aux outils numériques (intelligence artificielle médicale), de mieux les préparer à l’accompagnement des patients tout au long de la vie et à la potentielle impasse thérapeutique.
Enfin, nous devons sortir du « tout CHU » pour élargir les capacités de notre système de formation. Dans les centres hospitaliers de proximité ou dans les cabinets de ville, le recours aux conventions de formation reste en effet très limité. Elles sont pourtant un excellent moyen pour les étudiants de découvrir de nouveaux terrains et ainsi de soutenir des formats d’exercice diversifiés, propres à chaque territoire. Pour faciliter ces conventionnements, il nous faut susciter des vocations pour inciter les médecins à devenir chercheurs, enseignants et praticiens hyperspécialisés pour qu’ils s’engagent ensuite à transmettre et prendre en charge des étudiants. Nous devons donc nous assurer du maintien d’un haut niveau de médecine par le biais d’une sélection exigeante au moment de l’entrée dans l’internat, garantissant ainsi la qualité de l’enseignement.
Partant, l’augmentation de nos capacités en santé passe par un effort global, de l’orientation de nos jeunes à l’accompagnement de leurs premières années d’exercice. C’est un grand chantier rendu nécessaire pour trois raisons : le bouleversement de la pyramide démographique, l’évolution des technologies et les aspirations de la jeune génération.
Les membres du Groupe de travail formation en santé, également signataires de cette tribune Mmes et M les députés : Éric Alauzet (Doubs) ; Fanta Berete (Paris) ; Anne Bergantz (Yvelines) ; Chantal Bouloux (Côtes-d’Armor) ; Ingrid Dordain (Somme) ; Nicole Dubré-Chirat (Maine-et-Loire) ; Philippe Fait (Pas-de-Calais) ; Agnès Firmin Le Bodo (Seine-Maritime) ; Michel Lauzzana (Lot-et-Garonne) ; Christophe Marion (Loir-et-Cher) ; Didier Martin (Côte-d’Or) ; Stéphane Mazars (Aveyron) ; Jean-Pierre Pont (Pas-de-Calais)
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