Les pays africains sont aujourd’hui doublement confrontés aux fortes prévalences des maladies transmissibles (paludisme, sida…), mais aussi non transmissibles (diabète, pathologies neurocardiovasculaires, cancer…). L'hypertension artérielle (HTA) affecte plus du tiers des adultes dans certaines régions et près de la moitié de la population est obèse, en particulier les enfants. Le nombre de diabétiques quant à lui, pourrait doubler d'ici 2045. La pénurie de professionnels de santé, l’absence de campagnes de sensibilisation sur les facteurs de risque, le manque de centre d’appels ou de filières de soins neurocardiovasculaires et la non-médicalisation des transports compliquent l'accès aux soins spécialisés. Le diagnostic est souvent fait au stade des complications et la mortalité est élevée.
Cancer, un tabou qui tue
Le cancer, lui, est malheureusement très tabou en Afrique alors même qu’il tue plus que le sida, la tuberculose et le paludisme réunis : moins du quart des patient.e.s guérissent en Afrique subsaharienne vs 60 % dans les pays à revenu élevé. L’Association franco-africaine de cancérologie (AFAC) développe, depuis une dizaine d’années, des réseaux de soins pour renforcer les collaborations médicales (rencontres d’experts, ouverture de centres de radiothérapie, formations à la robotique ou à la high-tech, créations de diplômes universitaires…).
Le continent africain compte 19 des 20 pays où le cancer du col de l'utérus est le plus fréquent
Ce sont les femmes qui, bien souvent en Afrique, portent la santé de tou.te.s sur leurs épaules alors que 90 % d’entre elles occupent un emploi informel (insécurité de revenus, absence de protection sociale…). Une femme en bonne santé y est la pierre angulaire d’une famille et d’une communauté stables. En la matière, de grandes disparités persistent cependant : l’Afrique subsaharienne concentre, à elle seule, 70 % de la mortalité maternelle mondiale ; le continent africain compte 19 des 20 pays où le cancer du col de l'utérus est le plus fréquent au monde, avec un taux de survie à cinq ans de 35 % ; et les chances de survie à cinq ans pour un cancer du sein en Afrique sont de 15 à 40 % vs 85 % dans les pays à revenu élevé. Bâtir en Afrique une médecine plus adaptée aux spécificités féminines est aussi un enjeu économique crucial puisque le continent abrite la plus forte proportion de femmes entrepreneures au monde et que les femmes y représentent 40 % du secteur agricole. La santé des femmes façonnera donc aussi l’avenir africain.
S’appuyer sur les nouvelles technologies
Tirer parti des dynamiques innovations technologiques africaines est indispensable et l’extrême développement de la téléphonie mobile (deux téléphones par personne) constitue un atout majeur pour la prévention ou le diagnostic précoce. Une simple plateforme de télédermatologie par exemple peut permettre à des médecins généralistes ou des infirmiers de terrain formés de détecter précocement des cancers de la peau. L’amélioration, grâce à l’intelligence artificielle, de l’inspection visuelle de la mammographie ou du dépistage du cancer du col de l'utérus suscite également de grands espoirs.
Enfin, si peu de pays africains disposent déjà d’un système national de données de santé entièrement souverain, interopérable et durable, la digitalisation des données progresse et de nombreux états ont amorcé la transition vers des systèmes numériques exportables vers d’autres continents et indispensables à des estimations épidémiologiques précises.
Ne nous y trompons pas, dans un monde de plus en plus relié, les frontières sanitaires sont devenues poreuses et l’Afrique détient de nombreux atouts pour jouer un rôle central dans les politiques de santé globale. Contribuer à y améliorer la santé publique par des partenariats d’égal à égal, loin d’être une « simple » question morale, est, de fait, une solidarité gagnant-gagnant. En coconstruisant activement avec l’Afrique leurs solutions de détection et de réponse médicales propres, nous y favorisons la stabilité et le développement économique, nous enrichissons notre propre société par des échanges mutuels, en particulier dans le domaine de la tech et surtout, nous contribuons, de facto, à une meilleure santé mondiale.
Unir nos expertises respectives dans une approche globale et solidaire de la coopération sanitaire avec l’Afrique… n’est-ce pas aussi, finalement, une réelle nécessité stratégique pour l’Europe ?
Éditorial
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Tribune
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