Il y a un an, Emmanuel Macron annonçait la création de 400 postes de médecins généralistes salariés dans les déserts à partir de la fin de l’année 2019. Leur recrutement s’avère très compliqué. Seuls 60 à 80 seraient en passe de prendre leurs fonctions au 1er novembre.
Il y a presque un an jour pour jour, le 18 septembre 2018, lors du lancement de “Ma Santé 2022”, grande réforme du système de soins de son quinquennat, Emmanuel Macron annonçait la création en urgence de 400 postes de généralistes salariés ou à exercice mixte dans les zones sous-denses pour lutter contre la désertification médicale.
« Je souhaite que dès 2019, 400 postes supplémentaires de généralistes à exercice partagé ville/hôpital puissent être financés et envoyés dans les territoires prioritaires, salariés par le centre hospitalier de proximité ou un centre de santé pour y proposer des consultations, annonçait le chef de l’état. Je fais le pari que cette mesure exceptionnelle sera attractive parce que nous constatons que les jeunes générations sont davantage en demande d’un exercice collectif, parfois salarié. »
Un an plus tard, les candidats ne se bousculent pas au portillon.
Retard à l’allumage
Contactée par Le Généraliste, la DGOS comptabilise « 80 contrats signés ou en passe de l’être, soit 20 % de l’objectif. »
Lundi, lors d’un point d’étape sur la réforme Ma Santé 2022, Agnès Buzyn a annoncé que sur les 400 proposés, seuls « une soixantaine de postes [de généralistes étaient] pourvus ou en passe de l’être ». Que l’on retienne l’un ou l’autre de ces chiffres, la cible de 400 postes est loin d’être atteinte. Plusieurs raisons peuvent expliquer ce retard. La procédure de recrutement a mis du temps à se mettre en place. L’instruction de la DGOS fixant les règles du jeu est sortie en février dernier (voir encadré), avec pour ambition que les médecins sélectionnés dans le cadre du premier volet puissent débuter leur contrat au 1er novembre. à quelques semaines de cette date fatidique, le recrutement est très disparate selon les régions.
L’île-de-France, qui a lancé en mars sa campagne de recrutement, a plutôt bien avancé. Une première commission d’attribution a eu lieu en juin, et l’AP-HP a officialisé cet été l’engagement de 13 généralistes sur le volet 1. En Occitanie, l’ARS confie avoir finalisé trois contrats sur le volet 1 et deux sur le volet 2. L’ARS de Bretagne annonçait mi-août que trois postes étaient pourvus sur les 42 proposés. En Normandie, trois postes ont été attribués à Caen, au Havre et Avranches-Granville sur les 14 disponibles pour le volet 1. Neuf autres sont aussi accessibles sur le volet 2. L’ARS Grand Est n’a pour l’instant finalisé aucun contrat sur les 40 postes envisagés (20 sur le volet 1, 20 sur le 2).
Problème de communication
Outre ce retard à l’allumage, le recrutement des généralistes est rendu difficile pour l’exercice mixte car les internes en fin de cursus sont la cible prioritaire. Or, pour être éligibles, les prétendants doivent avoir déjà passé leur thèse. Certains candidats sont donc identifiés sans que leur recrutement ne puisse être finalisé pour le moment.
Là où le bât blesse également, c’est dans la capacité à faire connaître le dispositif. « La communication est la clé du succès de ce genre de mesure », explique le Dr Laure Dominjon, présidente de ReAGJIR (remplaçants et jeunes généralistes). « Pour les ARS, il faut des relais. Des structures syndicales comme la nôtre ont essayé de faire connaître le dispositif sur le terrain, mais en a-t-il été de même au niveau facultaire, s’interroge-t-elle. De toute façon, les internes ne sont pas faciles à atteindre. » Lucie Garcin, présidente du syndicat des internes de médecine générale, l’Isnar-IMG, constate aussi que « beaucoup d’internes n’ont pas entendu parler du dispositif. C’est un vrai problème de communication, qu’il faudra résoudre dans les années à venir ».
Comme le redoutaient certains praticiens libéraux lors de la présentation de cette mesure d’urgence, une simple annonce ne suffit pas à faire accourir les jeunes médecins dans les déserts. « Il n’y a pas d’effet miracle. C’est logique, compte tenu du fossé entre le nombre de médecins formés et celui des départs à la retraite. », explique le Dr Dominjon.
Un nouveau palier vers l’installation ?
Le volet 2, réservé aux généralistes salariés, repose sur un modèle très proche des aides incitatives déjà en place, certains médecins généralistes “recrutés” n’ayant même pas conscience de s’inscrire dans le cadre de ce dispositif.
Malgré ce premier bilan mitigé, l’idée reste bonne pour le Dr Dominjon : « C’est un palier supplémentaire pour mener les jeunes médecins à l’installation et proposer une certaine diversité, avec de nouveaux postes un peu originaux. »
Comment ça marche ?
En février, la DGOS (ministère de la Santé) a publié une instruction à destination des agences régionales de santé précisant les modalités du recrutement des 400 médecins généralistes salariés dans les territoires prioritaires. Cette mesure se décline en deux volets.
Volet 1 : 200 postes répartis entre régions
>Exercice mixte : partie hospitalière en établissements de santé de toute nature, privé ou public, PMI ou établissement médico-social ; partie libérale (minimum 40 % du temps) en maison et centre de santé, cabinet en zone sous-dense ou quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV)
>Durée : deux ans maximum
>Candidats : prioritairement les jeunes médecins thèsés
>Rémunération : à l’hôpital sur la base salariale d’un praticien hospitalier contractuel à temps partiel au second échelon, possibilité d’aides à l’installation sur la partie libérale
>Statut pour l’exercice libéral : médecin installé, collaborateur libéral, salarié d’un centre de santé, médecin assistant
Volet 2 : 200 postes minimum
>Exercice 100 % salarié, à temps complet ou partiel (à au moins 50 %)
>Employeurs : centres de santé, établissements de santé sur un exercice strictement ambulatoire, médecins libéraux dans le cadre d’une collaboration salariée
>Où : zones sous-denses et QPV
>Candidats : médecins non installés ou installés dans une zone non considérée comme sous-dense
>Rémunération : garantie de ressources par l’ARS de 9 070 euros TTC mensuels, soit 5 400 euros net pour un médecin à temps plein
>Autres accompagnements financiers : agrément du médecin en tant que MSU, création d’un projet pluripro type CPTS, embauche d’un second médecin…
>Activité : au moins 100 consultations par mois pour les trois premiers mois, puis 165 ensuite
>Financement : par le Fonds d’intervention régional (FIR)