La justice ordonne la prise en charge des soins chirurgicaux d’une transition de genre

Publié le 15/05/2025

Un homme trans, qui contestait en justice le refus de la Caisse primaire d'assurance-maladie du Bas-Rhin de prendre en charge sa mastectomie, a obtenu gain de cause au tribunal de Strasbourg, une décision « inédite » en France, salue son avocate.

Crédit photo : SICCOLI PATRICK/SIPA

Un homme trans qui s’était vu refuser la prise en charge de sa mastectomie bilatérale par la Caisse primaire d’assurance-maladie (Cpam) du Bas-Rhin a obtenu gain de cause le 14 mai devant le pôle social du tribunal judiciaire de Strasbourg. La Cpam est également condamnée à verser au requérant 3 000 euros de dommages et intérêts.

« C'est la première fois qu'un juge français vient reconnaître le caractère discriminatoire du refus de la Cpam et l'atteinte à la vie privée. C'est inédit », s'est félicitée Laura Gandonou, l'avocate du requérant, auprès de l'AFP.

Les exigences posées par la Cpam au requérant – comme un certificat médical et un protocole d'accord préalables – « sont contraires aux dispositions combinées des articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme comme de nature à créer une inégalité d'accès à la santé en fonction de l'identité de genre », souligne le jugement.

Une « faute » de la Cpam du Bas-Rhin

La Cpam est reconnue coupable d’une « faute » qui a « causé un préjudice direct et certain (au requérant) qui s'est vu imposer des délais supplémentaires conséquents et injustifiés dans un parcours de soins particulièrement long et complexe, l'obligeant ainsi à assumer une transition non achevée et en contradiction totale avec son nouvel état civil ».

« Je me sens très soulagé, reconnaissant. C'est une décision que j'attendais de longue date », a déclaré à l'AFP le requérant de 31 ans, qui souhaite rester anonyme. Il espère que « ça permette à d'autres personnes trans de moins subir de discriminations ».

Né femme, il a débuté sa transition en 2017, d'abord une transition sociale, en l'annonçant à ses proches, puis une transition administrative avec un changement d'état civil, et une transition médicale, avec la prise d'un traitement hormonal en juin 2022. En raison de sa dysphorie de genre, il a déposé une demande d'affection longue durée (ALD) afin de bénéficier d'une prise en charge totale de soins, notamment chirurgicaux pour mastectomie. Mais il s'est vu opposer un refus partiel. Il a alors saisi la commission de recours amiable en novembre 2022. Face au refus de sa demande en janvier 2023, il s'est tourné vers la voie judiciaire.

Lors de l'audience le 12 mars, la représentante de la Cpam avait fait valoir que la décision de la caisse se fondait sur un « avis médical », tandis que l'avocate du jeune homme avait qualifié ce refus « d'abusif et mal fondé ». Laura Gandonou a souligné que le parcours de soins devait être le même pour les personnes transgenres et pour les autres, regrettant que des Cpam « créent des conditions surabondantes » pour obtenir le remboursement de soins liés à la transition de genre.

Un panier de soins de transition de référence encore à définir

En France, les parcours de transition (hormonothérapie et chirurgie d’affirmation de genre) sont globalement financés par l’Assurance-maladie en cas d’accès à l’ALD. Mais aucun panier de soins de référence n’est défini. La situation est régulièrement dénoncée par les associations. Certaines Cpam « réduisent arbitrairement les taux de remboursement, voire les refusent », rapportait Trans Santé en 2022. Huit autres personnes trans ont attaqué différentes Cpam devant la justice, à Lyon, Cahors, Bobigny, Toulouse et Grenoble.

« On évolue lentement », avait reconnu la représentante de la Cpam lors de l’audience à Strasbourg, conseillant au jeune homme de retourner voir son médecin et de recommencer un protocole de soins. Cette transition de genre, « c'est un parcours qui prend des années, a témoigné le plaignant. Ma vie, elle avance mais sur certaines choses je continue à faire du sur-place ».

La Haute Autorité de santé (HAS) planche sur une mise à jour de ses recommandations de parcours de transition des personnes transgenres. Ces travaux ont été ciblés à plusieurs reprises par des attaques contre le groupe de travail, dont la divulgation dans Le Figaro des identités de ses membres et d’un document de travail confidentiel. L’autorité de santé avait réagi dans une mise au point en dénonçant une instrumentalisation « à des fins polémiques au détriment des personnes concernées ». La HAS a par ailleurs exercé son droit de réponse dans l'édition du quotidien de ce 15 mai. Elle y rappelle sa mission, confiée par une saisine du ministère de la Santé en 2021, de « structurer le parcours de soins et améliorer l’accompagnement et la prise en charge médicale des personnes concernées ».

E.B. avec AFP

Source : lequotidiendumedecin.fr