C’est une défaite pour le gouvernement. Lors de l’examen mardi 13 février du projet de loi (PJL) pour « renforcer la lutte contre les dérives sectaires », l’Assemblée nationale a voté contre l’instauration d’un délit visant à punir les dérives thérapeutiques. Rétabli en commission des lois la semaine dernière après sa suppression au Sénat en fin d’année passée, cet article 4 était pour la rapporteure Brigitte Liso (Renaissance, majorité présidentielle) « le plus important du projet de loi ». Il était d’ailleurs soutenu par l’Ordre des médecins.
Ce délit visait à punir d’un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende « la provocation à abandonner ou à s’abstenir de suivre un traitement médical thérapeutique ou prophylactique », ainsi que « la provocation à adopter des pratiques présentées comme ayant une finalité thérapeutique ou prophylactique », des incitations pouvant être dangereuses pour la santé. Juste avant l’examen du PJL, le ministre déléguée à la Santé Frédéric Valletoux avait confirmé lors des questions au gouvernement que « la santé est utilisée comme porte d’entrée par les charlatans », affirmant que « cela peut coûter des vies ».
Sus aux gourous 2.0
Cette mesure s’inscrivait dans un contexte où le nombre de signalements à la Miviludes a doublé depuis 2010, dont 25 % d’entre eux concernent désormais la santé, passant de 214 en 2015 à 892 en 2021. La secrétaire d’État à la Citoyenneté Sabrina Agresti-Roubache a notamment pointé du doigt, devant les députés, les « gourous 2.0 » aux « solutions miracles » pour guérir les maladies graves. Les oppositions ont voté un amendement de suppression de cette disposition, un résultat, à huit voix près, « scandaleux » pour Brigitte Liso, qui a fait part de « sa déception pour les victimes ».
« La sincérité de cette lutte contre les dérives sectaires ne doit pas consister à sanctionner par la loi les pratiques de soins complémentaires ou la consommation de produits phytothérapeutiques », a argumenté Jean-François Coulomme (LFI). Paul Molac (Liot) a lui dénoncé un « danger pour la liberté d'expression », ainsi que pour les « lanceurs d'alerte », citant Irène Frachon et le scandale Mediator. De son côté, Éric Pauget (LR) a soulevé les « difficultés d’ordre juridique et constitutionnel », quand son collègue Marc Le Fur (LR) a pointé la notion de « doute » dans le débat scientifique, s’appuyant sur Pasteur, « minoritaire » et « vilipendé », à qui « l’histoire a donné raison ».
La liberté des débats scientifiques
Le Sénat s’était justifié du rejet de cet article en s’appuyant sur un avis du Conseil d’État, lequel rapportait que les faits ciblés étaient déjà couverts par la répression de l’exercice illégal de la médecine. Selon ce dernier, cette mesure risquait de porter atteinte à la liberté d’expression lorsqu'elle s'exerce au travers d'« un discours général et impersonnel, par exemple tenu sur un blog ou un réseau social » et de remettre en cause, « par une incrimination de contestations de l’état actuel des pratiques thérapeutiques, la liberté des débats scientifiques et le rôle des lanceurs d’alerte ».
Plus tôt, le gouvernement avait toutefois réussi à rétablir l’article 1, supprimé par le Sénat, permettant de punir « le placement ou le maintien dans un état de sujétion psychologique ou physique ». Une manière d’agir « en amont de l’abus de faiblesse », pour Sabrina Agresti-Roubache, qui évoquait de « nouvelles formes de dérives sectaires ».
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