Les maires, moteurs de solutions pour l’accès aux soins ? C’est en tout cas ce qu’ont défendu la semaine dernière les différents intervenants invités par l’Association des maires de France (AMF) à la première Rencontre nationale des ruralités. En préambule, son président, l’ambitieux David Lisnard (Les Républicains), a souligné que, comme les autres thématiques, les enjeux de santé nécessitent « un aménagement du territoire, des moyens adaptés et de la liberté ». Rien que ça.
En matière de santé, le constat est connu : 87 % du territoire (plus de la moitié des communes rurales) souffre d’un accès aux soins insuffisant, ce qui génère de fait un renoncement aux soins. Pour pallier cette pénurie, le gouvernement a annoncé fin avril un pacte de lutte contre les déserts médicaux, instaurant la mesure phare d’un à deux jours de « solidarité territoriale » obligatoire dans les zones les moins dotées pour tous les médecins, en s’appuyant sur un nouveau zonage plus réaliste… Le tout sous peine de pénalités allant jusqu’à 1 000 euros par jour.
Concrètement, la traduction législative de ce plan réclame l’adoption de la proposition de loi (PPL) sur l’accès aux soins du sénateur LR Philippe Mouiller, sur laquelle le gouvernement s’est greffé par amendement. Si la Chambre haute a validé le texte, l’Assemblée doit encore avoir son mot à dire, et son calendrier parlementaire est saturé jusqu’à la fin du mois. L’objectif de cette manœuvre politique est d’empêcher l’instauration d’une régulation à l’installation beaucoup plus contraignante pour les médecins, mesure contenue dans une autre PPL, celle du député socialiste Guillaume Garot et qui fait le chemin inverse de la PPL Mouiller. Adoptée à l’Assemblée mi-mai, elle attend d’être programmée au Sénat. Ce qui fait dire au maire d’Évron (Mayenne), Joël Balandraud, élu dans la circonscription de l’ex-ministre délégué à l’Agroalimentaire de François Hollande, qu’il existe, ces derniers mois, une forme de « concours Lépine des propositions de loi en santé ».
Les docteurs juniors, pas la panacée
Mais l’exécutif et, en premier lieu, le ministre de la Santé, Yannick Neuder, misent également sur l’arrivée en novembre 2026 de 3 700 docteurs juniors de médecine générale dans les structures ambulatoires (cabinets, maisons et centres de santé, etc.). Là encore, le secteur attend les décrets d’application de la réforme (annoncés avant le 14 juillet). La rémunération des maîtres de stage universitaires (MSU) fait également l’objet d’ultimes arbitrages. Présent dans le comité de pilotage du dispositif, l’AMF s’est dit vigilante car cette mesure, selon Claire Peigné, médecin de formation et maire de Morancé (Rhône), « annoncée comme l’un des remèdes, ne sera, en fait, qu’une petite solution », a-t-elle lâché. L’édile a aussi mis en garde contre les effets de bord. « Il ne faudrait pas que la réforme des docteurs juniors se retourne contre les petits territoires » et que s’en dégage une forme de concurrence entre une ruralité attractive et une autre qui le serait moins.
« Des jeux malsains »
Car en filigrane se pose en réalité la question des inégalités entre territoires. Joël Balandraud a souligné l’importance de la concertation pour mieux coopérer entre acteurs locaux. À ce titre, toujours en Mayenne, les élus des différentes communes de l’agglomération de Laval ont adopté au mois de mai une « charte de non-concurrence » de manière à ne pas se piquer les médecins entre eux. « Ce qui nous a obligés à nous mettre autour de la table et définir, en amont, les conditions que l’on propose – ou non – aux praticiens en vue de leur installation sur notre territoire », a-t-il expliqué. Mais les communes, parfois responsables d’une forme de surenchère, ne sont pas les seules instigatrices de cette situation, a argumenté la maire de Soueich (Haute-Garonne), Brigitte Ségard. « Certains médecins participent à des jeux malsains en partant dans la commune d’à côté après la fin de leur contrat, ce qui trouble beaucoup de citoyens », a-t-elle regretté.
On voit des centres de santé, financés par des mairies ou des régions, sans médecin ! Quel gâchis !
Brigitte Ségard, maire de Soueich (Haute-Garonne)
Le salariat populaire chez les médecins
D’autres solutions existent et sont plébiscitées, à l’instar des centres de santé, qui fleurissent partout en France. Mais, malgré leur utilité sociale et sanitaire, les maires leur connaissent deux écueils : un investissement conséquent que les plus petites communes peinent à se permettre, et un modèle économique qui laisse à désirer au regard de la « productivité » insuffisante des médecins salariés, épinglée en février par l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) dans un rapport au vitriol. « Nous ne savons pas combien de temps ce modèle du salariat va durer, mais il répond à une vraie demande de nos administrés », a expliqué avec lucidité Claire Peigné. La mairie a également souligné l’intérêt des médecins et soignants pour cet exercice, trop heureux que la structure qui les emploie gère la paperasse à leur place. Ce qui ne suffit pas toujours à endiguer les envies d’ailleurs. « On voit des centres de santé, financés par des mairies ou des régions, sans médecin, a conclu Brigitte Ségard. Quel gâchis et quel dommage ! »
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